Tout comprendre à la CSDDD, le devoir de vigilance européen

Chloé Boucher

Rédactrice climat

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La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD ou CS3D), est la directive introduisant pour la première fois un devoir de vigilance à l’échelle de l’Union européenne. Mais alors, votre entreprise est-elle concernée par ce texte ? Si oui, quelles sont les nouvelles obligations auxquelles vous êtes soumis ? Comment anticiper au mieux la mise en application de ce texte ? Que risquez-vous en cas de non conformité à la CSDDD ? On fait le tour de toutes ces questions (et bien d’autres) pour vous éclairer et vous accompagner au mieux.

 

C’est quoi la CSDDD ou CS3D ? 

La CSDDD est la directive qui réglemente à l’échelle de l’Union européenne le devoir de vigilance des entreprises. Ce texte, discuté depuis 2021, a fait l’objet de négociations entre les différentes instances européennes avant d’être voté au Parlement européen le 24 avril 2024. Alors que le devoir de vigilance est d’ores et déjà régi par le droit français, c’est la toute première fois qu’il entre dans le droit européen ! 

Concrètement, le devoir de vigilance ou “due diligence”, c’est l’obligation qui incombe aux entreprises de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs activités. C’est l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise qui est ciblée, cette obligation peut donc également s’étendre aux activités des filiales et des partenaires commerciaux qu’ils soient sous-traitants ou fournisseurs.

L’objectif ? Renforcer la responsabilité, la transparence et la durabilité en matière ESG des grandes entreprises européennes pour ainsi préserver au mieux l’environnement, les droits humains mais aussi la santé et la sécurité des personnes.

Toutes les entreprises ne sont pas soumises à ces nouvelles obligations et avant toute chose, il convient de vérifier si votre entreprise est concernée ou non. 

Quelles entreprises sont concernées par la CSDDD ? 

La directive s’applique à tous les secteurs d’activité, même les entreprises financières réglementées, à l'exception de la partie avale de leur chaîne d'activités.

S’agissant des seuils d’application, sont concernées les entreprises : 

  • dont le nombre de salariés est ≥ 1000.

ET 

  • dont le CA est ≥ 450M€ (CA réalisé à l’échelle mondiale pour les entreprises européennes et à l’échelle de l’UE pour les entreprises non européennes). 

Au total, environ 5500 entreprises de l’UE sont concernées par la CSDDD, soit 0,05 % des entreprises opérants dans l'Union européenne. 

Quel est le calendrier de mise en œuvre de la CSDDD ? 

La bonne nouvelle, c’est que les entreprises disposent d’un délai suffisant pour se mettre en conformité à la CSDDD ! L’entrée en vigueur du texte sera progressive et suivra le calendrier d’application suivant : 

  • Entreprises dont le nombre de salariés est  ≥ 5 000 et CA ≥ 1 500 M€ → Texte applicable en 2027. 
  • Entreprises dont le nombre de salariés est  ≥ 3 000 et CA ≥ 900 M€ → Texte applicable en 2028.
  • Entreprises dont le nombre de salariés est  ≥ 1 000 et CA ≥ 450 M€ → Texte applicable en 2029.  

Quelles nouvelles obligations pour les entreprises ? 

La CSDDD établit un ensemble de principes directeurs et d’obligations auxquels les entreprises doivent se conformer. Concrètement les entreprises soumises à la CSDDD sont soumises à des obligations de plusieurs types, et ce, sous peine de sanctions.

  • Obligation de “diligence raisonnable” ou “devoir de vigilance” 

Les entreprises doivent mettre en place des mécanismes de diligence raisonnable dans le but d’atténuer les risques liés aux droits de l’homme, à l’environnement et à la gouvernance associés à leurs activités. Cela signifie qu'elles doivent : 

  1.  Identifier et évaluer les impacts de leurs activités sur l’ensemble de leur chaîne de valeur en matière environnementale, de droits humains et de gouvernance. Cela implique pour l’entreprise de réaliser concrètement en interne des évaluations pour identifier ces risques. 

C’est bien l’intégralité de la chaîne de valeur d’une entreprise qui est concernée par cette obligation. Cela concerne donc aussi bien la partie en amont liée notamment à la production et l’approvisionnement que la partie avale liée à la distribution, au transport etc. 

Dans la directive, c’est le terme “Adverse Impact” ou “Impacts négatifs” en français qui est employé. Ils recouvrent à la fois : 

→ Les impacts environnementaux : dégradations environnementales, violation du droit des individus à une terre et un accès aux ressources etc. 

→ Les impacts sur les droits humains : atteinte au droit à la vie, torture, conditions de travail défavorables etc. 

→ Les impacts liés à la gouvernance de l’entreprise : corruption, atteinte à la santé et à la sécurité des employés etc. 

  1. Prévenir ces impacts négatifs et risques identifiés en mettant en place des mécanismes de diligence raisonnable. Cela suppose d’implémenter en interne des plans de vigilance complets (procédures, politiques, plans d’actions etc.) en matière de respect de l’environnement et des droits humains. Les entreprises doivent donc mettre en place un réel plan de vigilance (aussi connu sous le nom de “plan de transition”). 

  1. Élaborer des stratégies d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre et aligner la stratégie de votre entreprise sur l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1.5°C prévu par l'Accord de Paris. Mais, pour réduire les émissions de GES, il faut d’abord connaître leur ampleur en les mesurant. Il est nécessaire de réaliser dans un premier temps le bilan carbone de votre entreprise. Notre article “Pourquoi et comment monter en compétence sur le sujet carbone?” peut vous aider à y voir plus clair. 

  • Obligation de transparence  

Les entreprises doivent être transparentes quant à l’impact de leurs activités. Concrètement elles doivent :

  1. Publier toutes les informations liées aux procédures et mesures qu’elles ont prises leur permettant de respecter leurs obligations. Il s’agit d’une obligation de résultat qui oblige donc les entreprises à publier un plan de transition concret pour limiter ces impacts négatifs. 

  1. Inclure leurs partenaires commerciaux dans leur démarche et communiquer de façon transparente avec les parties prenantes. Lorsque la directive évoque les “Business partners” cela recouvre à la fois des fournisseurs et des sous-traitants. 

Au sens de la directive, les parties prenantes désignent deux types entités :

→ Les partenaires commerciaux directs : avec qui l'entreprise a un accord commercial lié aux opérations, produits ou services de l'entreprise ou à qui l'entreprise fournit des services.

→ Les partenaires commerciaux indirects : qui ne sont pas des partenaires directs mais qui réalisent des opérations commerciales liées aux opérations, produits ou services de l'entreprise. 

  • Principe de responsabilité

A travers l’application de la CSDDD, les entreprises sont tenues responsables des impacts ESG résultant de leurs activités. Cela implique que : 

  1. Les entreprises doivent prévenir et rendre compte des impacts sur les droits humains et l’environnement dans leur chaîne de valeur, sous peine de voir leur responsabilité engagée. 

  1. Les entreprises coupables de manquement à leurs obligations pourront être poursuivies devant les tribunaux.

  1. En revanche, s’agissant de la question de la réparation des victimes, les entreprises ne sont pas responsables civilement de la réparation des préjudices causés par leurs activités. C’est à dire que la directive n’oblige pas l’entreprise à fournir des dommages et intérêts aux personnes affectées par les violations de droits de l’homme ou les dommages environnementaux. Cette question est laissée à la discrétion de chaque État membre. 

Comment se préparer au mieux à la CSDDD ? 

Si votre entreprise est concernée par la directive CSDDD, le mieux est d’anticiper dès maintenant son entrée en application, en se posant ces quelques questions :

  • Quels sont les risques engendrés par l’activité de votre entreprise en matière d’environnement, de droits fondamentaux et de gouvernance ? 
  • Quels sont les mécanismes d’ores et déjà mis en place dans la gestion de ces risques ?
  • Existe-t-il des mécanismes de contrôle des procédures que vous avez mises en place ? 
  • Comment incluez-vous vos sous-traitants et fournisseurs dans cette démarche ? 

Les réponses à ces questions correspondent aux informations requises dans le cadre de la CSDDD et y répondre vous fera gagner un temps précieux au moment venu. 

Quelles sanctions en cas de non-respect de la CSDDD ? 

La directive CSDDD prévoit plusieurs types de sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas les obligations prévues par le texte : 

  • La responsabilité des entreprises peut être engagée en cas d’inaction ou de manquements à des obligations de vigilance. Pour les entreprises coupables d’infractions, une amende peut être prononcée à leur encontre, dont le montant peut atteindre jusqu’à 5% de son chiffre d’affaires mondial net

  • En cas de défaut de délivrance d’un “plan de vigilance” aussi appelé plan de transition, l’entreprise peut être contrainte d’en produire un. 

  • En revanche, la question de la responsabilité des dirigeants a été retirée dans la dernière version du texte et ne peut pas être remise en cause. Il en est de même s’agissant de la responsabilité civile des entreprises qui n’est pas prévue par la directive et est laissée à la discrétion des États membres. 

CSDDD VS CSRD : quelles différences ? 

La CSDDD et la CSRD sont différentes mais complémentaires. La directive CSRD tout comme la directive CSDDD portent toutes les deux sur l’environnement, les droits de l’homme et la gouvernance de l’entreprise. Elles poursuivent le même objectif : celui d’améliorer la responsabilité ESG des grandes entreprises pour atteindre les objectifs climatiques fixés par le Green Deal européen. 

Ces deux directives combinées permettent de favoriser l’atteinte de ces objectifs même si elles usent de moyens et de leviers différents : 

  • La CSRD  améliore et harmonise le reporting ESG à l’échelle européenne. Elle repose sur l’obligation de réaliser un reporting extra-financier complet pour les entreprises concernées. 
  • À l’inverse, la CSDD n’implique pas une obligation de reporting mais elle oblige réellement l’entreprise à instituer puis publier des mécanismes d’identification et de gestion de risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. 

En pratique, si votre entreprise est concernée par les deux directives, il faudra répondre aux obligations découlant de chacune de ces directives. La bonne nouvelle ? Si votre entreprise est soumise à la CSRD, le plan de transition climatique requit dans le cadre de la CSDDD pourra être le même que celui que vous avez fourni dans le cadre de la CSRD ! 

Pour tout comprendre à la CSRD, rendez-vous sur notre article Tout sur la CSRD : les obligations de reporting extra-financier 

Quelles sont les limites de la CSDDD ? 

La CSDDD présente néanmoins certaines limites. On fait le tour. 

  1. Un champ d’application réduit et une approche par les risques supprimée.  

  • Dans le texte finalement adopté, les entreprises concernées par la CSDDD sont celles ayant plus de 1000 salariés et 450 millions d’euros de CA, contre 500 salariés et 150 millions de CA dans des versions précédentes du texte.

  • De plus, la notion même de “secteur à risque” ainsi que la liste de plusieurs secteurs considérés comme “à risques” ont été supprimés de la directive. 

Le texte voté a été affaibli puisque un texte précédent visait à inclure dans le champ d’application de la CSDDD les entreprises de plus de 250 salariés opérant dans des “secteurs à risques”. Cela signifie concrètement que les entreprises à hauts risques d’atteintes aux droits humains et environnementaux sur leur chaîne de valeur, qu’il s’agisse d’entreprise textile, agro-alimentaire, activités minières sont soumises aux mêmes seuils que les autres entreprises.

Au final, environ 70% des entreprises initialement concernées sont désormais exemptées, ce qui réduit considérablement l’applicabilité de la CSDDD ! 

  1. Une prise en compte limitée de la chaîne de valeur aval.

Force est de constater que la chaîne de valeur aval a été largement exemptée par la directive. Plusieurs exemple : 

  • La chaîne de valeur avale du secteur financier, correspondant notamment aux “services financiers” reste exclue du champ d’application de la directive. S’agissant de la procédure de “Due Diligence”, toutes les mentions au secteur financier ont disparu du texte. Cependant, une déclaration politique commune reconnaît tout de même la nécessité de développer ce point ultérieurement. Affaire à suivre… 

  • Pour les autres secteurs, le respect de l’environnement et des droits humains sur la chaîne de valeur avale ne concerne plus que les partenaires commerciaux directs, excluant ainsi les activités des partenaires commerciaux indirects.

  • Le texte ne couvre pas la question de l’élimination du produit.

  1. L’impossibilité d’engager la responsabilité civile des entreprises.

 

Comme nous l’avons déjà vu plus haut, bien que l’entreprise puisse être reconnue coupable et sanctionnée, les victimes ne pourront pas obtenir d’indemnisations, ni de dommages et intérêts en cas de non-respect des obligations de diligence raisonnable d’une entreprise.  

Cependant, cette question de la responsabilité civile des entreprises est laissée à la discrétion de chaque État membre qui décidera ou non de l’inclure dans sa transposition en droit national. 

Conclusion

Vous l’aurez compris, l’arsenal législatif européen se durcit en matière de durabilité des entreprises. Se conformer à la CSDDD, mais aussi à la CSRD, constitue un réel défi pour les entreprises concernées puisque cela nécessite du temps, de l’argent et d’être formé à ces sujets. Pour ne pas être pris de court, l'objectif est d’anticiper au mieux l’application de ces nouveaux textes en commençant dès maintenant à se former et à récolter les données nécessaires.

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