Face aux défis climatiques, les entreprises font face aux attentes croissantes des différentes parties prenantes. Employés, consommateurs, investisseurs réclament une meilleure transparence quant à l’impact global des activités des entreprises sur la société et l’environnement.
Les entreprises sont encouragées à mener des évaluations approfondies afin d'identifier les problèmes ESG les plus pertinents auxquels elles sont confrontées. Dans ce contexte a émergé le principe de double matérialité : une approche permettant d’évaluer de manière globale la performance des entreprises en termes de durabilité. Les évaluations de matérialité jouent un rôle crucial dans la durabilité et le reporting des entreprises.
Le concept de double matérialité est au cœur de l’élaboration par l’EFRAG des ESRS (standards de reporting durables européens). Ce qui diffère nettement de la vision anglo-saxonne de l’ISSB (L'International Sustainability Standards Board ou Conseil international des normes de durabilité ) crée en 2021 par l’IFRS (International Financial Reporting Standards). L’ISSB affirme en effet qu’opérer une analyse de matérialité simple est suffisant. L’EFRAG et l’ISSB ont néanmoins publié en mai 2024 un guide sur l’interopérabilité entre ces deux ensembles de normes afin de faciliter la conformité des entreprises.
L’analyse de double matérialité est considérée par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) comme un point clé de la directive CSRD (Corporate Sustainable Reporting Directive) qui est entrée en vigueur ce 1er janvier 2024. La Commission européenne conditionne en effet les thèmes couverts par le reporting CSRD à une analyse de double matérialité. Cette analyse de double matérialité est complexe et constitue un véritable défi pour les entreprises.
Pourquoi et comment faire son analyse de double matérialité ? Quelles sont les différentes visions de la matérialité qui s’opposent à l’échelle internationale ? On fait le tour de la question.
1. Que recouvre le concept de double matérialité ?
L'analyse de matérialité est un outil de construction de la stratégie RSE des entreprises. Il s’agit d’un processus complet consistant à identifier et à hiérarchiser les problèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) les plus importants pour une entreprise et ses parties prenantes.
Le concept de double matérialité correspond à l’analyse de deux types de matérialité : la matérialité financière et la matérialité d’impact (ou extra-financière).
- La matérialité financière ou matérialité simple correspond à la vision « Outside-In » : cette matérialité ne prend en compte que les impacts positifs (opportunités) et négatifs (risques) générés par l’environnement économique, social et naturel sur le développement, la performance et les résultats de l’entreprise. Cette première dimension concerne donc les aspects financiers : les revenus, les bénéfices, les flux de trésorerie, etc.
- La matérialité d’impact ou matérialité extra-financière socio-environnementale correspond à la vision « Inside-Out ». Cette matérialité prend en compte les impacts négatifs ou positifs de l’entreprise sur son environnement économique, social et naturel et englobe donc les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
Le concept de double matérialité souligne que les deux dimensions, financière et d’impact, sont interdépendantes et doivent être prises en compte conjointement dans l'évaluation globale de la performance d’une entreprise.
Selon ce concept, les entreprises doivent donc rendre compte à la fois de l'impact de la société et de l’environnement sur la performance financière de leur entreprise mais également de l'impact de leurs activités sur la société et l'environnement.
2. Pourquoi faire son analyse de double matérialité ?
L’EFRAG et la Commission européenne estiment que le concept de double matérialité doit constituer le socle de la CSRD. De nombreuses entreprises se sont d’ores et déjà alignées sur les recommandations de l’EFRAG en matière de double matérialité.
L’analyse de double matérialité présente de nombreux avantages. En combinant les dimensions financières et d’impact, l'analyse de la double matérialité permet aux entreprises :
- D'évaluer leur impact global, d'appréhender l’ensemble des risques et des opportunités et d’être plus transparente quant à leur performance.
- De répondre aux attentes croissantes des parties prenantes : les investisseurs, les consommateurs, les employés etc. Le fait de mener une analyse de double matérialité peut renforcer la confiance des parties prenantes vis-à-vis de l’organisme, offrir un avantage concurrentiel, conférer une bonne réputation de l’entreprise, etc.
- De hiérarchiser efficacement les enjeux et dégager une feuille de route des priorités. Cette analyse leur permet de connaître les changements à mettre en œuvre afin de garantir leur durabilité, d’intégrer les enjeux environnementaux et sociaux dans leur stratégie et leurs actions via notamment la mise en place de politiques et de pratiques responsables.
3. Comment réaliser son analyse de double matérialité ?
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Il est important de noter d’abord que les normes ESRS n’imposent pas la manière dont l’analyse de double matérialité doit être conduite par les entreprises car un process unique ne conviendrait pas face aux multiples secteurs d’activités, organisations ou chaînes de valeurs des entreprises concernées par la CSRD.
Néanmoins, tous les acteurs de la CSRD, à commencer par l’EFRAG, s’accordent sur les mêmes grandes étapes, en commençant par l’identification du contexte de l’entreprise (activités, parties prenantes, etc…) jusqu’à la sélection des enjeux matériels et la préparation du reporting en conséquence.
Ainsi, on peut séparer la démarche en 3 grandes étapes incontournables.
3.1 Identification des enjeux
C’est la première phase et elle consiste à identifier le contexte dans lequel évolue l’entreprise puis identifier les premiers enjeux de durabilité.
Pour cela, il faut :
- Un état des lieux du contexte de l’entreprise
Il s’agit de comprendre les activités de l’entreprise, les produits ou services qu’elle vend, les lieux où elle opère, ses états financiers, etc…
- Une cartographie de la chaîne de valeur et des parties prenantes
L’enjeu, c’est de retracer les flux de l’entreprise, cartographier sa chaîne de valeur, aussi bien en amont qu’en aval pour ensuite identifier les parties prenantes affectées par les opérations de l’entreprise et sur l’ensemble de sa chaîne de valeur.
- Etablir une première liste des enjeux de durabilité à considérer
L’enjeu ici, c’est de dresser une liste de tous les enjeux qui vont être ensuite analysés sous l’angle de la double matérialité afin de déterminer quels sont ceux qui sont matériels.
Pour établir cette liste des enjeux, on ne part pas de rien.
La première source, c’est la liste des enjeux de durabilité fournie par l’EFRAG elle-même et que l’on trouve dans l’ESRS 1, AR 16 (page 26 de ce document). L’EFRAG détaille les thèmes, sous-thèmes et sous-sous-thèmes qui doivent être considérés par l’entreprise.
Mais ce ne doit pas être la seule source. Cette liste doit être complétée par une analyse documentaire permettant d’identifier des enjeux spécifiques à l’entreprise grâce à des documents internes ou à une analyse de son secteur d’activité. Ainsi, un benchmark des enjeux sélectionnés par les concurrents de l’entreprise peut être très utile, tout comme l’analyse des cadres volontaires sectoriels publiés par le Sustainability Accounting Standards Board (SASB), la Global Reporting Initiative (GRI) ou le Morgan Stanley Capital International (MSCI).
C’est à partir de ces différentes sources qu’est dressée la liste des enjeux susceptibles d’être importants pour l’entreprise et sur lesquels elle va devoir répondre aux exigences de publication dans son rapport de durabilité.
3.2 Description et cotation des impacts, risques et opportunités (IRO)
On entre ici dans le cœur de l’analyse de double matérialité puisqu’il s’agit de déterminer, à partir de la liste construite précédemment, quels sont les enjeux les plus matériels.
Pour ce faire, l’entreprise doit déterminer les impacts, risques et opportunités (IRO) liés aux enjeux de durabilité sur sa chaîne de valeur. Puis elle doit appliquer des critères d’évaluation sur la matérialité d’impact et la matérialité financière afin de déterminer quels sont les IRO matériels.
Voici les critères d’évaluation à prendre en compte :
- Pour la matérialité d’impact
Pour les impacts négatifs, c’est la gravité de l’impact qui est jugée ainsi que sa probabilité d'occurrence pour les impacts potentiels. Le critère de gravité de l’impact dépend lui-même de 3 critères :
- son ampleur : quelle est l’importance ou la gravité de l’impact ? Sur les droits humains ou sur l’environnement par exemple.
- son étendue : quelle est la portée de l’impact ? Par exemple l’étendue des dommages environnementaux
- et son caractère irrémédiable : dans quelle mesure l’impact peut être réparé ? Est que les dommages environnementaux peuvent être restaurés et dans quelle mesure l’environnement peut-il revenir à une situation au moins équivalente à celle constatée avant l’impact négatif ?
Pour les impacts positifs, seules l’ampleur et l’étendue de l’impact sont évaluées, ainsi que sa probabilité d’occurrence pour les impacts potentiels.
En résumé :
- Pour la matérialité financière
Pour rappel, la matérialité financière correspond aux risques et opportunités générés par l’environnement économique, social et naturel sur les performances financières de l’entreprise.
Selon l’EFRAG, les risques et opportunités pour l’entreprise “découlent généralement d'impacts, de dépendances ou d'autres facteurs, tels que l'exposition à des dangers climatiques ou des changements de réglementation qui traitent des risques systémiques.”
Pour évaluer cette matérialité financière, deux critères sont à prendre en compte :
- l’ampleur potentielle des effets financiers sur la base de seuils appropriés
- la probabilité d’occurrence
Cette analyse doit se faire à court, moyen et long terme.
Des seuils doivent donc être utilisés par l’entreprise afin de statuer sur la matérialité ou non des risques et opportunités. Il peut s’agir de seuils monétaires absolus ou relatifs tels qu’un pourcentage du montant correspondant à ses revenus, ses coûts, ses actifs totaux ou sa valeur nette.
Une évaluation qualitative doit aussi être menée puisque certaines entreprises, du fait de leurs activités, sont exposées à des risques de réputation. Ce risque, bien qu’il ne puisse être évalué, peut influencer la disponibilité du financement et/ou le coût du financement et, par conséquent, peut être financièrement matériel.
Pour les deux matérialités, d’impact et financière, l’entreprise doit alors établir un système de notation personnalisé afin de mesurer l’intensité de chaque critère : une échelle de 0 à 3 par exemple, ou de 1 à 5. C’est à l’entreprise de décider, l’EFRAG n’impose pas de méthodologie unique. Une fois le système de notation établi, il faut enfin définir les seuils au-delà desquels les enjeux seront considérés comme matériels.
Là encore, l’EFRAG n’impose pas de méthodologie pour le choix du seuil, qualitatif ou quantitatif, pour l’entreprise mais cette dernière devra justifier la manière dont ces seuils ont été définis et appliqués.
Découvrez notre article consacré à l'identification et à l'évaluation des IRO
3.3 Préparation du reporting
C’est la dernière étape de l’analyse de double matérialité.
Il s’agit de mettre en forme l’analyse de matérialité et de préparer le reporting en conséquence.
Une fois les enjeux matériels définis, le format de la mise en forme n’est pas imposé par l’EFRAG. Mais le format privilégié reste la matrice de double matérialité qui permet de visualiser et hiérarchiser simplement les enjeux matériels pour l’entreprise.
Enfin, grâce à cette liste des enjeux matériels, l’entreprise peut alors définir quels sont les exigences de publication et les datapoints à intégrer au rapport de durabilité.
4. Comment Sami vous accompagne dans l’analyse de double matérialité ?
Grâce à notre module CSRD intégré à notre plateforme et grâce à l’accompagnement par des cabinets de conseil partenaires spécialisés et sélectionnés pour leur expertise, nous sommes en mesure de vous accompagner sur la réalisation de votre rapport de durabilité et notamment sur l’analyse de double matérialité. Voilà un résumé de ce que nous proposons à chacune des étapes.
4.1 Sur l’identification des enjeux
Nos consultants apportent toute leur expertise pour aider l’entreprise à dresser une première liste d’enjeux potentiellement matériels : construction d’un benchmark des concurrents, analyse documentaire des référentiels internationaux, analyse du secteur, compréhension du contexte global de l’entreprise.
Notre logiciel permet dans cette première étape de cartographier l’ensemble de vos parties prenantes (collaborateurs, clients, fournisseurs…) et d’adapter le référentiel ESRS à votre situation. La liste des enjeux de durabilité, détaillée en thèmes, sous-thèmes et sous-sous-thèmes, fournie par l’EFRAG est intégrée à notre plateforme. Vous n’avez plus qu’à paramétrer l’outil pour l’adapter à vos enjeux.
4.2 Sur la description et la cotation des impacts, risques et opportunités (IRO)
Durant cette phase, notre logiciel permet notamment :
- D’évaluer facilement vos IRO
Pour chacun des enjeux matériels définis, le logiciel propose une liste d’IRO. Vous déterminez la cotation de ces IRO en fonction des critères attendus par l’EFRAG et le logiciel calcule automatiquement le score de matérialité de chacun des enjeux. La grille d’évaluation repose sur les standards de l’EFRAG.
L’exercice commence avec une réunion sur site avec nos consultants et les personnes en charge du projet CSRD de l’entreprise afin de vous donner les clés de la cotation des différents impacts, risques et opportunités.
Nos consultants suivent cette étape avec vous, examinent une première fois les résultats de la cotation (avant des rectifications si besoin) et préparent le tableau récapitulatif des IRO matériels, un livrable requis par l’ESRS 2.
- De solliciter vos parties prenantes
Les ESRS n’imposent pas aux entreprises de mettre en place un dialogue avec les parties prenantes pour l’analyse de double matérialité.
Néanmoins, le paragraphe 24 de l’ESRS 1 précise bien que l’engagement des parties prenantes est un élément important dans la qualité de l’évaluation de la matérialité.
En effet, échanger avec vos parties prenantes (internes et externes) doit vous permettre d’abord de comprendre comment elles sont ou peuvent être impactées et ainsi vous aide à évaluer la gravité et la probabilité des impacts. C’est donc un acteur important dans la construction de la matérialité de vos enjeux. Et le dialogue avec vos parties prenantes peut également intervenir dans un second temps, une fois la matérialité définie, afin de confirmer ou infirmer avec elles l’évaluation de matérialité. Engager ses parties prenantes clés est donc un élément central afin d’assurer la qualité et l’exhaustivité de son analyse de double matérialité.
Voilà pourquoi notre logiciel permet d’interroger simplement et efficacement les parties prenantes que vous aurez identifiées. Des modèles de questionnaires prêts à l’emploi et pensés pour la CSRD sont intégrés. Mais vous pouvez également définir vos questionnaires personnalisés avec une multitude de champs disponibles. Enfin, le logiciel agrège et analyse automatiquement les réponses de vos parties prenantes afin d’enrichir la cotation de vos IRO.
4.3 Sur la préparation du reporting
Sur la base de la cotation des IRO et du calcul automatique des scores de matérialité pour chaque enjeu, notre logiciel fournit automatiquement une matrice de double matérialité afin de vous permettre de visualiser en un coup d'œil vos enjeux matériels.
Nos consultants préparent par ailleurs le rapport de matérialité afin de détailler la méthodologie suivie durant cette analyse de double matérialité et les résultats obtenus (livrable requis dans l’ESRS 2) et préparent un tableau récapitulatif des enjeux matériels, des exigences de publication et des datapoints qui seront à intégrer au rapport.
En parallèle, le logiciel est lui paramétré afin de mettre en place le protocole de collecte des données et de rédaction du rapport de durabilité.
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Vous avez encore des questions sur l’analyse de double matérialité ? Vous pouvez consulter notre article Questions/Réponses sur la CSRD.
Nos autres contenus sur la CSRD :
- L’ensemble des datapoints attendus dans ce DR n°1 de l’ESRS E1 (et tous les autres datapoints) dans ce document : Sami : CSRD - ESRS Data Points.
- CSRD : tout comprendre à la norme ESRS E1 sur le changement climatique
- Construire un plan de transition aligné avec la CSRD
- Les normes ESRS : comprendre les critères de reporting européens
Découvrez notre guide pour réussir son analyse de double matérialité
Vous y trouverez la méthodologie, étape par étape, ainsi que le décryptage d'un consultant RSE
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