Avril 2023 : le gouvernement français annonce les 5 thèmes et 29 propositions du projet de loi Industrie Verte. L’ambition ? Faire de la France un leader européen de l’industrie verte en décarbonant les activités industrielles présentes sur le territoire. Quels sont les axes choisis ? Comment ce projet de loi compte-t-il soutenir la transition bas-carbone de l’industrie ? Décryptage.
1. Industrie responsable : l’ambition du gouvernement
1.1 L’ambition du gouvernement : la France, future championne de l’industrie verte
5 janvier 2023 : Bruno Le Maire annonce vouloir faire de la France la première nation industrielle verte, en Europe. Dans la foulée, le ministre de l’Économie initie les travaux de consultation pour verdir le secteur industriel : 5 groupes de travail, composés d'élu.e.s et d’acteur.rices industriels, travaillent sur une proposition.
3 avril 2023 : le gouvernement présente 29 propositions pour le projet de loi Industrie Verte.
L’ambition est double :
- Soutenir les technologies de décarbonation de l’industrie, en France.
Énergies renouvelables, pompes à chaleur, hydrogène, etc. Le gouvernement souhaite, en particulier, consolider l’autonomie et l’indépendance industrielle du pays. - Accompagner l’industrie dans la décarbonation. Le potentiel est élevé : ce secteur représente encore près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre nationales (SNBC, 2019).
1.2 Le calendrier du projet de loi
Le gouvernement français souhaite co-construire la loi Industrie Verte. Ainsi, 3 mois de concertation sont prévus. C’est l’occasion d’interroger une multitude d’acteurs industriels : entreprises, fédérations industrielles, organisations patronales et syndicales, associations environnementales, associations d’élu.e.s locaux, établissements publics et acteurs de la formation, etc.
Le calendrier prévisionnel est le suivant :
- Janvier à mars 2023 : phase de consultation et construction du projet de loi.
- Avril : Consolidation du projet de loi, dernières contributions.
- Mai : validation des propositions par les organes de contrôle.
- Juin : présentation en Conseil des ministres. Début de la séquence parlementaire.
2. Les 5 thèmes du projet de loi pour l’Industrie Verte : zoom sur la décarbonation
5 axes vers l’industrie verte
Le projet de loi pour la décarbonation de l’industrie française se découpe en 5 thèmes. L’objectif : balayer un maximum d’enjeux et anticiper les freins à la transition bas-carbone.
- Transformer la fiscalité pour faire grandir l’industrie verte.
Ce thème vise à favoriser le développement de projets peu carbonés, grâce à des avantages fiscaux et subventions.
- Ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains…
L’enjeu est d’accélérer l’ouverture de sites industriels verts, tout en limitant l’artificialisation des sols.
- Produire, commander et acheter en France.
Ce thème vise à valoriser, par plusieurs mesures et dispositifs, la production française et écoresponsable.
- Financer l’industrie verte française.
L’objectif est de lever le principal frein à la transition bas-carbone des entreprises industrielles : le coût.
Plusieurs dispositifs sont prévus pour financer la décarbonation des acteurs industriels et diriger les capitaux vers une production plus responsable.
- Former aux métiers de l’industrie verte.
Enfin, le développement de l’industrie responsable ne se fera pas sans talents. Tout un axe est dédié à la formation, la montée en compétence et la valorisation des métiers industriels.
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De nombreuses propositions soutiennent et facilitent la décarbonation de l’industrie. Listons quelques exemples de chantiers et propositions visant à réduire les émissions de CO2 de l’industrie.
Chantier 1. Transformer la fiscalité pour faire grandir l’industrie verte
Le gouvernement propose différents dispositifs fiscaux et divers leviers financiers pour favoriser la transition bas-carbone des entreprises industrielles.
- Aider l’industrie à s’engager dans la décarbonation.
Cette mesure vise à simplifier le financement des projets de décarbonation. L’industriel pourra prétendre à une subvention ou un crédit d’impôt, étalé sur 5 ans. L’aide est soumise à un objectif de résultat, plutôt que de moyens : chaque année, on vérifie l’atteinte des jalons de décarbonation.
- Soutenir la production verte par des crédits d’impôt.
Ici, l’enjeu est de rendre les technologies nécessaires à la transition bas-carbone des industries plus compétitives par rapport à leurs concurrents fossiles. L’investissement de départ ne doit plus être un frein, ni se reporter sur les prix de vente. Batteries et métaux, électrolyseurs, nucléaire de nouvelle génération, photovoltaïque, éolien, etc. La production de technologies aidant à la décarbonation des activités industrielles sera subventionnée via un système de crédit d'impôt ou à une subvention dépendant du montant de l'investissement.
- Donner de la visibilité à l’industrie avec l’assurance de contrats de long terme d’énergie décarbonée.
Cette mesure vise à soutenir la production d’hydrogène. Ainsi, les acteurs de l’hydrogène pourront prétendre à une aide fiscale, à l’achat en contrats long terme d’électricité, lorsque ce dernier est lié à une nouvelle installation de production hydrogène.
Chantier 2. Ouvrir des usines, réhabiliter des friches, mettre à disposition des terrains
Pour faire de la France la première nation de l’industrie verte en Europe, le gouvernement souhaite augmenter la capacité de production du pays. Les enjeux ? Ouvrir des usines… Sans accélérer l’artificialisation des sols. En effet, le Ministère de la Transition écologique mène en parallèle un objectif de « zéro artificialisation nette ».
3e enjeu à concilier dans ce chantier : le temps. Plusieurs mesures visent à réduire ou simplifier les démarches administratives, afin d’accélérer l’industrialisation verte.
Voici quelques exemples clés de propositions.
- Renforcer la planification des implantations industrielles dans les territoires.
Pour qu’un terrain soit réutilisable dans un nouvel usage industriel, il doit être dépollué. L’objectif de cette proposition est d’accélérer la phase de dépollution d’anciens sites industriels, notamment en facilitant son anticipation.
- Favoriser l’économie circulaire industrielle en France.
Le cadre légal établit aujourd’hui plusieurs conditions pour réutiliser les déchets, dont un dossier administratif lourd. Ces règles ont pour but de ne pas mettre en danger la santé ou l’environnement. Cependant, elles entrent en contradiction avec le besoin de valoriser les matières secondaires, et limiter l’extraction de ressources. La proposition consiste donc à simplifier la procédure française de réutilisation de ressources pour fabriquer de nouveaux produits. Par ailleurs, les substances échangées sur une même plateforme industrielle ne prendront pas le statut de déchet… Et donc, n’auront pas à en sortir par des démarches administratives. À la clé : des économies de temps, de matières premières, et d’énergies fossiles.
Chantier 3. Produire, commander et acheter en France
La transformation environnementale et climatique n’est pas seulement une nécessité : c’est aussi une opportunité majeure. En particulier, les objectifs de neutralité carbone sont une merveilleuse occasion de valoriser la production française, qui s'appuie sur un mix énergétique et des systèmes de production parmi les plus décarbonés au monde.
Ainsi, les propositions de ce troisième chantier visent à valoriser et favoriser les entreprises qui s’engagent dans la décarbonation ; et d’inciter, accélérer et concrétiser la bascule verte de l’industrie française.
L’enjeu est de faire de la transition bas-carbone une réelle opportunité pour toutes les entreprises, grâce à ses avantages systémiques : image de marque, soutiens financiers, facilité d’accès aux achats publics et privés, etc.
- Créer un standard d’excellence environnementale : « le Triple E ».
Le constat : le prix reste, trop souvent, le principal critère de choix dans les commandes publiques et privées. La démarche environnementale n’est pas assez valorisée. L’enjeu de ce label est de rendre visibles les entreprises vertes, pour leur donner un avantage compétitif. Le gouvernement propose donc la création du standard EEE : Excellence Environnementale Européenne. Il sera fondé sur les indicateurs, labels et normes environnementales existants et à venir (ISO, Ecovadis et CSRD). Les sociétés produisant sur le territoire français pourront y prétendre, si elles agissent sur 3 piliers environnementaux : énergie décarbonée, biodiversité, analyse du cycle de vie.
- Mieux accompagner les entreprises dans leur diagnostic de décarbonation et renforcer l’obligation de publication d’un BEGES (bilan d’émission de gaz à effet de serre) et d’un plan de transition.
La mesure est la première étape, indispensable, de la décarbonation. Comment diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, si on ne les connait pas ? Pourtant, en 2023, 57 % des entreprises ne respectent pas leurs obligations de réaliser un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) et de publier un plan de transition. Pour y remédier, cette mesure consiste à :
1. Renforcer les contrôles et sanctions liés à l’obligation de BEGES.
2. Proposer un BEGES simplifié et des aides pour les TPE, PME et PMI.
3. Conditionner les aides pour la transition et décarbonation à la publication du BEGES et plan de transition, au moins pour les sociétés soumises à l’obligation. - Favoriser les produits verts dans les achats publics.
Moins de 20 % des marchés publics intègrent les enjeux environnementaux dans leurs critères de choix. Une fois de plus : le coût financier est l’argument principal. Pour favoriser les produits décarbonés auprès des acheteurs publics, le gouvernement propose, parmi d’autres mesures, d’accélérer le déploiement d’indicateurs environnementaux (score environnemental et standard Triple E), et d’exclure les entreprises ne respectant pas le BEGES obligatoire.
Chantier 4. Financer l’industrie verte française
Une fois de plus, l’argent est le nerf de la guerre… Et le soutien financier, une importante piste de solution ! Voilà un exemple de mesure pour financer la décarbonation.
- Créer un label « Industrie verte ».
L’enjeu de cette mesure est de favoriser les investissements privés vers les industries et produits décarbonés. Le label Triple E serait décliné en label Industrie Verte, applicable aux fonds qui respectent des engagements environnementaux et investissent dans la décarbonation de l’économie.
- Créer un « Livret Climat » pour les mineurs.
L’épargne des plus jeunes vise généralement un usage à long terme : les parents anticipent et préparent l’entrée dans la vie active de leurs enfants. Ce placement financier semble donc très adapté au financement long terme d’une économie plus propre. La proposition est de créer un nouveau produit d’épargne, à destination des mineurs : le Livret Climat. Les fonds seraient orientés vers des investissements favorables au financement de la transition écologique et de la décarbonation de l’industrie.
Chantier 5. Former aux métiers de l’industrie verte
Enfin, le cinquième chantier a pour objectif d’attirer et former davantage de talents dans l’industrie verte. Voilà deux exemples d’action.
- Lancer une grande campagne de communication sur les métiers de l’industrie.
L’enjeu : donner envie de travailler dans l’industrie, notamment en montrant l’importance de ce secteur pour la transition écologique. D’après une enquête menée en 2019, le chemin est encore long ! 80 % des jeunes de 18 à 34 ans associaient le mot « industrie » à « pollution », « conditions de travail difficiles », « travail à la chaîne » ou encore « pénibilité ». Pour changer l’image des métiers de l’industrie, le 5e groupe de travail propose un événement emblématique, ainsi qu’une campagne de communication adaptée aux différents publics et acteur.rices de l’orientation : jeunes, parents, corps enseignant, etc.
- Renforcer l’adéquation entre la formation continue et la transition écologique dans l’industrie.
Le recrutement dans l’industrie fait face à des tensions… Qui risquent d’augmenter. 160 000 nouveaux emplois sont attendus à l’horizon 2030 pour concrétiser la réindustrialisation verte. Quelques pistes de solution proposées : inclure l’industrie dans le plan Métiers en tension de Pôle emploi, adapter les dispositifs permettant de répondre aux besoins de reconversion liée à la transition, ou encore augmenter la capacité de formation des filières courtes.
3. Et maintenant ? Engagez votre entreprise dans une transition bas-carbone
La décarbonation n’est pas seulement une obligation, ni même une nécessité : c’est un choix stratégique et intelligent. C’est une adaptation, une anticipation de l’évolution de notre économie face aux changements climatiques. Chaque entreprise sera impactée, et doit s’y préparer.
Les subventions déjà disponibles pour accélérer votre transition
Plusieurs subventions existent déjà pour soutenir la transformation bas-carbone des entreprises.
- Le Diag Décarbon’Action (porté par l’ADEME). Plus qu’un simple financement, cette aide donne accès à un véritable accompagnement pour une stratégie climatique impactante, de la mesure de vos émissions GES à la mise en place des premières actions, en passant par l’établissement d'un plan d'action réaliste et ambitieux. Les entreprises éligibles sont les PME ou ETI de moins de 500 salarié.e.s, prévoyant leur premier bilan de GES (gaz à effet de serre). Bon à savoir : Sami est référencé en tant qu’expert carbone dans l’annuaire Diag Decarbon’action. Alors, contactez-nous pour profiter de cette aide !
- Le Diag Eco Flux (porté par BPI France). Là encore, plus qu’une subvention, le Diag Eco Flux est un accompagnement complet pour aider les entreprises à faire des économies, grâce à leur transition. Le moyen principal ? L’optimisation des flux d’eau, énergie, matières, et déchets. L’aide concerne les entreprises de 20 à 250 personnes sur le territoire français.
- Le Dispositif Tremplin (porté par l’ADEME). C’est une aide financière à destination des TPE et PME (hors microentreprises), portant sur plusieurs prestations de transition écologique des entreprises. L’ADEME a listé les prestations éligibles. Elles concernent entre autres les études climat, l’éco-conception, ou encore l’économie circulaire. Avec ce dispositif, vous pouvez financer l'analyse de cycle de vie de vos produits, dans le cadre de l’affichage environnemental.
💡 Pour aller plus loin : Faire son bilan carbone et bénéficier de subventions : c'est possible !
Ce projet de loi pourrait bien révolutionner le monde de l'industrie en France. Les prochains mois nous diront quel sera le contenu final de la réglementation. Anticipez dès maintenant votre décarbonation, grâce au bilan carbone.
Sources :
- Propositions des pilotes pour le projet de loi Industrie Verte, Assemblée Nationale, avril 2023
- Industrie verte : un projet de loi en co-construction à Bercy, Ministère de l’Économie et des finances, avril 2023
- Industrie Verte : Présentation des propositions du projet de loi, Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, avril 2023
- Agir pour la décarbonation de l'industrie : l'ADEME vous guide !, ADEME, consulté en avril 2023.
- Décarbonez votre industrie | Entreprises, ADEME, consulté en avril 2023.
- Comprendre les enjeux de la décarbonation, ADEME, consulté en avril 2023.
- La décarbonation de l'industrie en France, Direction générale du Trésor, octobre 2021.
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