En 2023, l’Europe a réalisé plus de 2 500 milliards d’euros d’importations. Cela représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE et cette part augmente chaque année !
Pour limiter les émissions liées aux importations, la Commission européenne vient d’introduire, avec le règlement (UE) 2023/956 du 1er octobre 2023, un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) aussi appelé “taxe carbone européenne” ou Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM).
La mise en place du MACF est une première mondiale ! Ce mécanisme s'inscrit au cœur du Green Deal européen dont l’objectif ambitieux est d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Concrètement, le MACF vise à introduire progressivement une taxe sur les importations de produits à forte teneur en carbone, basée sur le CO2 émis lors de leur production.
Mais comment fonctionne ce mécanisme ? À quoi sert-t-il ? Quand s'appliquera-t-il ? Votre entreprise est-elle concernée ? Quelles sont les nouvelles obligations qui en découlent ? Comment remplir votre rapport MACF ? On fait le tour de toutes ces questions dans cet article.
1. Qu’est-ce que le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) ?
Le MACF c’est un instrument, un mécanisme dont se dote l’Union européenne pour mettre en œuvre son Pacte Vert et lutter contre le réchauffement climatique.
Il s’agit d’une mesure environnementale. C’est pour cela qu’en France, l’autorité compétente sur cette question est la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de la transition énergétique.
Concrètement, avec la mise en œuvre de ce mécanisme, les importateurs de marchandises (ou leurs représentants en douane indirect) devront déclarer les émissions de gaz à effet de serre (GES) directes et indirectes intégrées dans leurs importations, et payer une taxe sur ces importations lors du franchissement de la frontière de l’UE.
2. Quels sont les objectifs poursuivis par le MACF ?
L’objectif principal reste le même que celui poursuivi par le Pacte Vert européen : lutter contre le réchauffement climatique et atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Plus précisément, ce mécanisme permet à l’UE d’étendre ses normes environnementales aux entreprises hors Union Européenne exportant sur son territoire.
Aujourd’hui, au sein de l’UE, les entreprises européennes sont soumises à un certain nombre de normes environnementales. Parmi celles-ci, la mise en place en 2005 d’un marché européen du carbone prévoyant un système d’échange de quotas d’émission : le mécanisme ETS. Avec ce système, des quotas d’émissions de gaz à effet de serre sont attribués aux entreprises. En cas de dépassement de ces quotas et donc lorsqu’elles polluent, les entreprises doivent payer un surcoût (acheter des quotas de CO2 en plus), dont le montant est défini par le marché.
Mais, ce mécanisme ETS ne s’applique qu’à l’échelle européenne ! Et force est de constater que certaines industries délocalisent (ou sont tentées de délocaliser) leur production fortement émettrice en GES dans des régions où la législation environnementale est moins stricte : c’est le phénomène de fuite de carbone. Dès lors, des entreprises qui produisent en Europe se retrouvent mises en concurrence avec des sociétés hors UE qui ne sont pas soumises au mécanisme ETS et qui ne paient pas toujours un prix sur les émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent. Cela crée de facto un désavantage pour les entreprises européennes.
C’est donc pour pallier ce déséquilibre, et éviter que les entreprises déplacent leurs industries hors de l’UE dans le seul but d’échapper aux normes européennes plus exigeantes, que l’UE a mis en place le MACF.
Ce système, qui fonctionne un peu comme des “quotas miroir” du système ETS, va calculer les émissions intrinsèques aux produits importés, ce qui permet aussi d’encourager une production industrielle moins carbonée et de réduire le bilan carbone lié aux importations de l’UE. À travers ce mécanisme, les entreprises européennes seront donc incitées à acheter leurs biens auprès de sociétés plus respectueuses de l’environnement.
3. Quelles entreprises sont concernées par le MACF ?
Il existe plusieurs conditions cumulatives pour qu’une entreprise soit soumise au MACF : l’une liée au type de produit importé, les autres liées à la nature du flux concerné et à son montant.
- L’entreprise importe sur le territoire douanier de l’UE, le plateau continental ou la ZEE, un produit concerné et listé par le MACF
Initialement, en 2026, le MACF ne s’appliquera qu’à un certain nombre de produits ou familles de produits :
- acier (sauf certains ferro-alliage)
- aluminium
- engrais azotés
- ciment
- hydrogène
- électricité
Les nomenclatures douanières des marchandises concernées sont reprises à l’annexe 1 du règlement 2023/956. De plus, la marchandise importée ne doit pas provenir d’un pays listé à l’annexe 3 du règlement 2023/956. À l’issue de la période de transition en 2026, il n’est pas exclu que cette liste soit étendue à d’autres biens, comme certains produits chimiques. Globalement, les produits concernés sont ceux présentant un risque élevé de fuite de carbone.
- Les flux concernés par le MACF doivent présenter certaines caractéristiques :
- Il faut qu’il s’agisse d’une “importation” au sens douanier du terme c'est-à-dire la “mise en libre pratique des marchandises” citées plus haut
ET
- que l’importation présente une valeur intrinsèque supérieure à 150€ par envoi.
Dans tous les autres cas, si vous ne remplissez pas ces conditions cumulatives, vous n’êtes pas soumis au MACF !
En pratique, certaines entreprises vont devoir mener des Analyses du Cycle de Vie (ACV) sur leurs produits pour vérifier s’ils entrent ou non dans les critères de taxation du MACF. Pour tout savoir sur l’ACV, retrouvez notre article dédié sur le blog Sami.
4. Comment fonctionne le MACF ?
On l’a vu, avant l’introduction du MACF, les entreprises pouvaient importer sans surcoût des biens extérieurs à l’UE dont la production accélère le réchauffement climatique.
Avec le MACF, les importateurs de certaines familles de marchandises sur le territoire de l’UE et dont la production n’est pas soumise à un prix du carbone (ou à un prix faible) vont devoir payer un surcoût en entrant sur le marché européen lors du franchissement de la frontière.
L’instrument MACF oblige les importateurs de marchandises qui proviennent d’un État hors UE à acheter des certificats d'émissions basés sur le prix du carbone, certificats qu'ils auraient dû acquitter si les biens avaient été produits dans l'UE !
Les certificats sont à acheter auprès des autorités nationales. Le prix de ces certificats sera indexé sur les cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone européens (ETS ou SEQE), qui concerne aujourd’hui les seules entreprises implantées en Europe.
S’agissant du nombre de ces certificats à acheter, cela dépendra pour chaque entreprise des émissions de CO2 générées lors de la production des marchandises importées.
Pour permettre de calculer les émissions de gaz à effet de serre générés, il est prévu que ce soit les exportateurs de pays tiers qui transmettent les données aux importateurs européens. Si ce n’est pas le cas, les importateurs pourront se baser sur des valeurs par défaut pour chaque secteur concerné.
5. Quel est le calendrier de mise en œuvre du MACF ?
La mise en œuvre progressive du mécanisme a commencé dès le 1er octobre 2023. Le MACF sera appliqué par phases :
- Une période transitoire du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025
- Une mise en application complète du MACF à partir de janvier 2026 : à cette date toutes les dispositions de la taxe carbone doivent s’appliquer pleinement
6. Quelles obligations incombent aux entreprises concernées par le MACF ?
Conformément au règlement (UE) 2023/956 qui introduit le MACF, c’est le règlement d’exécution (UE) 2023/1773 qui établit les règles qui incombent aux entreprises concernées par le MACF.
L’UE a prévu une période transitoire courant jusqu’en décembre 2025 pendant laquelle les obligations sont plus légères pour les entreprises. À partir de 2026, les obligations prévues par le MACF seront applicables en intégralité.
6.1 Obligations incombant aux entreprises de l’UE au cours de la période transitoire (oct 2023 → déc 2025)
Pendant la période transitoire, les obligations découlant de l’importation de marchandises soumises au MACF sont limitées.
- L’obligation de rapportage trimestriel : formaliser un rapport MACF qui récapitule certaines données en lien avec vos importations
Il s’agit de l’obligation pour l’entreprise importatrice de soumettre et présenter un rapport MACF sur une base trimestrielle. Cela signifie que les importateurs de marchandises (ou leurs représentants en douane indirect) devront déclarer dans un rapport MACF certaines informations liées aux importations réalisées au cours d’un trimestre donné. Le rapport MACF devra être présenté au plus tard un mois après la fin du trimestre concerné.
Les informations à déclarer obligatoirement concernent : la quantité totale de chaque type de marchandises importées, les émissions de gaz à effet de serre (GES) intrinsèques directes et indirectes intégrées dans leurs importations (générées par ces produits), ainsi que tout prix du carbone dû pour ces émissions.
Il est important de noter que ces obligations de rapportage sont applicables à la fois aux émissions de GES directes (émissions liées au processus de production), mais également aux émissions de GES indirectes : par exemple les émissions liées à la consommation électrique durant le processus de production.
=> Dans la période transitoire les importateurs doivent donc seulement déclarer les émissions carbone des produits importés sans effectuer de paiement. Ils ne commenceront à les payer qu’à partir de 2026 à la fin de la période transitoire.
- L’obligation de s’enregistrer dans le registre transitoire MACF
Le registre transitoire MACF mis en place par la Commission européenne à pour objectif d’aider les entreprises importatrices soumises au MACF à dresser et à soumettre leur rapport MACF.
Ce registre permettra également la bonne communication et transmission d’informations entre la Commission européenne, les entreprises concernées, les autorités douanières nationales, etc.
L’accès et l’enregistrement au registre européen se fait sur ce lien. Pour pouvoir y accéder vous devez vérifier en amont que vous remplissez certains pré requis : vous disposez d’un compte douane.gouv.fr, votre compte douane.gouv.fr est certifié, vous disposez de l’habilitation pour déposer un registre MACF.
6.2 À partir de 2026, plusieurs obligations incombent aux entreprises concernées par le MACF
- Être titulaire du statut de déclarant MACF autorisé avant d’importer des marchandises concernées par le dispositif (comme l’aluminium, l’acier, etc.)
- Déposer une “Déclaration MACF” ou “Rapport MACF” avant le 31 mai chaque année, récapitulant les données d’importation de l’année civile précédente.
- Acquérir les certificats MACF nécessaires pour couvrir les émissions générées par les produits que vous aurez à importer au cours de l’année suivante.
- Maintenir un stock minimum de certificats MACF à la fin de chaque trimestre.
7. Comment remplir son rapport MACF ?
La Commission européenne a mis à disposition des entreprises un cours comprenant des explications réglementaires ainsi qu’un tutoriel permettant de compléter votre rapport efficacement.
La formation en ligne est accessible ici : https://customs-taxation.learning.europa.eu/course/view.php?id=770§ion=8
Toutes les questions relatives au contenu du rapport relèvent de la DGEC, l’autorité compétente sur le MACF, et non pas de la douane. Pour toute question relative aux objectifs environnementaux de cette réglementation ou au remplissage des rapports, en particulier sur le calcul des émissions incorporées à vos importations, vous pouvez contacter la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) à l’adresse : quesions.MACF@developpement-durable.gouv.fr
8. Quelles sont les ressources qui peuvent vous accompagner ?
Pour vous aider à vous préparer à ces nouvelles obligations, la Commission européenne et le gouvernement ont élaboré plusieurs documents qui peuvent vous être utiles. Parmi eux :
- Comment compléter son rapport MACF ?
- Infographie MACF - Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières
- Dossier - Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)
- FAQ de la Commission européenne relative au MACF
CONCLUSION
La mise en œuvre du MACF aura pour conséquence une future réforme du système d'échange de quotas d'émission (SEQE). Jusqu’alors des quotas gratuits étaient octroyés pour certains secteurs sous tension afin d’éviter les délocalisations. Avec le MACF, ce phénomène sera limité et les quotas gratuits n’ont plus de raison d’être ! C’est pour cela qu’il seront réduits progressivement dès 2026 jusqu’à leur suppression totale en 2034.
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