“L’effondrement climatique a commencé”. Voici la réaction le 6 septembre 2023 d’Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, après l’annonce le même jour du record mondial de chaleur cet été. L’été 2023 (juin, juillet, août) a, en effet, été le plus chaud jamais enregistré sur Terre, avec une moyenne mondiale de 16,77 degrés. Selon les scientifiques de l’observatoire européen Copernicus, ces 3 mois ont même été les plus chauds depuis environ 120 000 ans, soit le début de l’histoire de l’humanité.
Des records de températures et des évènements climatiques extrêmes qui se multiplient et s’intensifient. Canicules, inondations, sécheresses, l’été a été émaillé de ces phénomènes extrêmes comme les pluies torrentielles en Grèce et en Turquie, les incendies dans l’archipel d’Hawaï (au moins 115 morts) et au Canada où 16 millions d’hectares de forêts ont été ravagés, soit la superficie de la Tunisie.
Des phénomènes climatiques extrêmes dont les coûts sont évidemment humains mais aussi économiques. Dans une étude publiée en août 2023, l’assureur Allianz estime ainsi que les vagues de chaleur ont coûté 0,6% du PIB mondial rien qu’entre le 1er mai et le 4 août. La Chine a même vu s’évaporer 1,6% de son PIB à cause des canicules, 1% pour la Grèce et l’Espagne. Et encore. Ces chiffres ne prennent en compte que l’impact des vagues de chaleur sur la productivité des salariés et sur une période de 3 mois seulement.
Résultat, les entreprises françaises et autres sont et seront de plus en plus exposées aux risques climatiques. Toutes les études menées ces dernières années sur le sujet le confirment : les chefs d’entreprises font de ces risques climatiques un enjeu majeur à court et moyen terme dans la stratégie de leur entreprise.
Quels sont les principaux risques climatiques ?
Pour une entreprise, il y a trois grands types de risques climatiques que nous allons ensuite détailler :
- Les risques physiques : ce sont les risques liés aux impacts directs du changement climatique
- Les risques de transition : ce sont les risques pour l’entreprise liés à la transition vers une économie bas-carbone
- Les risques de responsabilité : recours en justice contre les entreprises et pertes financières associées
1. Les risques physiques
Ce sont les risques les plus connus car les plus visibles, ceux qui nous impactent tous en tant que citoyens : les extrêmes climatiques comme ceux qui se sont succédé ces dernières années par exemple.
Ces phénomènes climatiques extrêmes, on les observe déjà aux quatre coins du globe, y compris en France. Leur fréquence et leur intensité vont augmenter à chaque dixième de réchauffement supplémentaire. Voici un aperçu réalisé par Météo France de certains de ces impacts selon les différents scénarios de réchauffement climatique.
Ici, nous nous concentrerons sur 3 types d’impacts du réchauffement climatique et leurs conséquences sur l’activité des entreprises.
a. La hausse des températures et les vagues de chaleur
La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1,2 degré depuis l’ère pré-industrielle. 1,2 degré au niveau mondial selon le GIEC mais déjà 1,7 degré en France.
Avec 14,5 degrés, 2022 a ainsi été l’année la plus chaude enregistrée sur le territoire métropolitain depuis le début des relevés en 1900. C’est 2,7°C de plus que la moyenne 1961-1990. On parle là d’augmentation de la température moyenne. Cela se concrétise par ailleurs par des extrêmes climatiques très marqués, à commencer par l’été 2023, 4ème été le plus chaud jamais enregistré en France selon Météo France.
Rien d’étonnant en réalité. Les modèles climatiques sont très clairs sur l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur extrêmes. Ainsi, selon les scientifiques du GIEC, un évènement de température extrême qui se produisait une fois tous les 10 ans dans un climat sans influence humaine se produira probablement 5,6 fois avec 2°C de réchauffement et 9,4 fois, c’est-à-dire presque tous les ans, avec un réchauffement climatique de 4 degrés.
Quelles conséquences pour l’activité des entreprises ?
Le premier, c’est l’impact de la chaleur sur la santé des travailleurs et sur la productivité.
Une santé au travail qui se dégrade
Dans une étude publiée en juin 2023, France Stratégies liste les conséquences des stress thermiques sur la santé et les conditions de travail : baisse de la vigilance et de la concentration, augmentation des temps de réaction, modification de l’humeur… L’Institut national de recherche et de sécurité estime ainsi que les risques professionnels associés à la chaleur apparaissent dès 28°C pour un travail nécessitant une activité physique et dès 30°C pour une activité sédentaire. Les fortes chaleurs peuvent être associées à des conséquences encore plus importantes : déshydratation, coup de chaleur…
En Italie, pendant l’épisode caniculaire du mois de juillet dernier, 5 ouvriers ou travailleurs seraient décédés des suites des températures extrêmes. Pour 4 d’entre eux, ils souffraient déjà de problèmes cardiaques. Les syndicats italiens ont menacé de faire grève et demandé que des congés soient accordés, les températures étant trop élevées pour travailler. En septembre, au moins 4 vendangeurs sont morts en Champagne alors qu’ils travaillaient sous de fortes chaleurs.
Baisse de la productivité des travailleurs
Impacts sur la santé mais aussi sur la productivité. Dans cette étude publiée en 2022, plusieurs chercheurs estimaient ainsi que l’exposition à la chaleur est associée à plus de 650 milliards d’heures de travail perdues dans le monde, soit l’équivalent de 148 millions d’emplois à temps plein. En cause, c’est donc la productivité des travailleurs face à la chaleur : elle chuterait de 50% en moyenne dès 33-34°C selon l’Observatoire international du travail (OIT).
En France, les pertes économiques liées à la chaleur pourraient atteindre 1,5% du PIB dès le milieu de ce siècle. Selon l’étude de France Stratégies, entre 14 et 36% des travailleurs seraient exposés à la chaleur. Pour beaucoup, ils travaillent dans les métiers du bâtiment, les métiers agricoles et industriels.
Les entreprises ne sont donc pas épargnées par ces épisodes de chaleur extrême : dans une étude publiée en 2022, le cabinet Goodwill Management (cabinet partenaire de Sami dans l’accompagnement des entreprises dans leur stratégie climat) a croisé les cartes de prévisions du nombre de jours anormalement chauds avec la répartition géographique des TPE/PME françaises. Résultat, en 2050, un peu plus de 5 millions de TPE et PME devraient être exposées à plus de 50 jours anormalement chauds par an, c’est 6 fois plus d’entreprises concernées que sur la période 1976-2005.
Un dérèglement de la production agricole
Autre impact important de la chaleur sur l’activité économique : le dérèglement des cycles de culture. Les hivers plus doux entraînent un débourrage précoce des bourgeons qui peuvent être ensuite touchés par un épisode de gel printanier. C’est ce qui s’est passé du 4 au 8 avril 2021 en France, causant des dégâts considérables dans les vergers, les vignobles ou sur les cultures céréalières avec parfois 80 ou 90% de la production détruite sur certaines exploitations. La FNSEA a chiffré à 2 milliards d’euros les dégâts. Selon le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport 2022, l’allongement de la saison de croissance du fait du réchauffement climatique a augmenté de 50% la probabilité d’un épisode de gel affectant les bourgeons.
Dans une autre étude, AXA Climate a évalué les impacts du changement climatique sur 16 cultures fruitières dans 25 départements en France. Résultat, en 2030, 45% des zones étudiées seront considérées comme à risque extrême ou élevé en raison des vagues de chaleur et du gel, contre 22% aujourd’hui.
b. Les sécheresses
Là encore, les modèles climatiques sont très clairs : les sécheresses sont aujourd’hui bien plus nombreuses qu’elles ne l’étaient au cours du XXe siècle et elles vont se multiplier dans les prochaines décennies.
Ainsi, selon Météo France et le GIEC, une sécheresse qui se produisait jusque-là une année sur 10 se produira 3 fois plus souvent avec un réchauffement à 2 degrés et une année sur deux avec 4°C de réchauffement. L’assèchement des sols (sécheresse agricole) va s’intensifier avec jusqu’à 25 jours de sols secs en plus par an en 2050. Les périodes de sécheresses météorologiques (déficit pluviométrique) vont elles aussi s’allonger notamment sur le pourtour méditerranéen et sur l’Ouest du pays avec 5 à 10 jours supplémentaires d’ici la fin du siècle.
Quelles conséquences pour l’activité des entreprises ?
L’agriculture, le secteur le plus touché
Le premier impact concerne le secteur agricole. En 2003, la canicule exceptionnelle qui a touché la France et plus largement l’Europe s’est accompagnée d’une sécheresse elle aussi exceptionnelle. Résultat, selon cette étude, à l’échelle de l’Europe, la production végétale a chuté de 30% en 2003 par rapport à 2002.
L’an dernier, en 2022, année la plus chaude jamais enregistrée en France et marquée par un déficit de précipitations de 30%, les récoltes céréalières ont nettement baissé : -10,5%. La production de maïs par exemple étant la plus faible depuis 1990.
D’autres secteurs impactés
Mais l’impact des sécheresses ne s’arrête pas au secteur agricole. Les sécheresses hydrologiques correspondent à des niveaux bas des nappes phréatiques ou des retenues et à un déficit de débit des cours d’eau. Dans ce dernier cas, les activités économiques associées en souffrent : centrales nucléaires qui utilisent de l’eau pour refroidir les réacteurs, tourisme fluvial, fret fluvial ou encore production hydroélectrique.
En 2018, le géant de la chimie BASF avait dû stopper l’activité de l’une de ses usines en Allemagne qui ne recevait plus assez de matières premières, le trafic fluvial sur le Rhin étant ralenti du fait du très faible débit sur le fleuve. L’an dernier, le trafic a de nouveau été fortement ralenti à cause de la sécheresse estivale. Les écluses de Gambsheim, à côté de Strasbourg, ont vu le trafic baisser de 14% au total sur l’année comparé à 2021.
c. Les inondations
… Liées à un événement de pluies extrêmes
Dans ce premier cas de figure, là encore, les pluies torrentielles vont devenir plus fréquentes et plus intenses sous l’effet du changement climatique, augmentant ainsi la fréquence des crues soudaines et donc du risque d’inondations. Ainsi, à +4°C, l'occurrence des extrêmes pluvieux par décennie sera multiplié par près de 3 et par près de 2 avec 2 degrés de réchauffement. Selon le climatologue français Robert Vautard, spécialiste des événements climatiques extrêmes et co-président du groupe 1 du GIEC, les pluies extrêmes vont augmenter partout sur le territoire. L’indicateur des pluies torrentielles dans le Sud-Est témoigne d’ailleurs d’une hausse de leur intensité depuis 1961. Ci-dessous, le graphique représente le cumul quotidien de précipitations exprimé en pourcentage par rapport à la moyenne 1961-1990. Les valeurs supérieures sont représentées en vert, celles inférieures en ocre.
… Liées à une submersion marine (montée du niveau des eaux, recul du trait de côte, etc.)
Dans ce deuxième cas de figure, selon le rapport annuel 2022 du Haut Conseil pour le Climat, “les risques d’inondations par submersion marine sont clairement accrus en raison de l’élévation du niveau des mers due au changement climatique”. En France, le niveau de la mer devrait s'élever d’une vingtaine de centimètres d’ici 2050 et entre 40 et 70cm d’ici la fin du siècle. Une hausse du niveau des mers qui sera de plus en plus couplée à l’augmentation des évènements météorologiques extrêmes plus fréquents et plus intenses comme les tempêtes. Résultat, les submersions marines vont elles aussi se multiplier. Dès 2030, des villes côtières françaises pourraient subir entre 20 et 30 phénomènes de submersion par an selon certains spécialistes.
Quelles conséquences pour l’activité des entreprises ?
Le ministère de la transition écologique estime que près d’1 million et demi d’habitants et plus de 850 000 emplois sont exposés aux submersions marines. De nombreuses activités économiques du littoral se trouvent menacées : le tourisme (campings, hôtels, restaurants, etc…), activités portuaires (de loisirs ou de commerce) mais aussi industries pétro-chimiques avec le risque d’accidents qui va avec.
Les coûts humains de ces catastrophes sont évidemment très lourds : 53 personnes sont décédées en France lors du passage de la tempête Xynthia en 2010, dont 29 sur la seule commune de la Faute-sur-Mer en Vendée touchée par une submersion marine en pleine nuit. Le coût financier a lui été estimé à environ 2,5 milliards d’euros. Le GIEC estime désormais que les dégâts côtiers liés à la hausse du niveau des mers vont être multipliés par 10 en Europe.
Le nombre d’emplois exposés est encore bien plus important concernant le risque d’inondations liées à des débordements de cours d’eau : 9 millions. Le coût des inondations pourrait augmenter de 81% sur la période 2020-2050, atteignant le montant de 50 milliards d’euros, selon la fédération française des assurances.
2. Les risques de transition
Les risques de transition, ce sont les impacts (positifs et négatifs) liés à la mise en place d’une économie bas-carbone.
“Parce que nos économies sont amenées à se décarboner, les entreprises qui ont des actifs carbonés, qui dépendent de chaînes de valeur carbonées, dans les énergies fossiles par exemple, vont devoir se décarboner de force. Et cela représente des risques.”
Guillaume Colin, Head of Climate expertise de Sami
On peut distinguer 4 grands types de risques de transition.
a. Les risques réglementaires
Les lois françaises et européennes deviennent de plus en plus contraignantes sur le sujet du carbone et plus largement de l’impact environnemental.
Ainsi, on peut citer :
- l’augmentation programmée du prix du carbone. Plusieurs explications. D’abord, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) est entré en vigueur le 1er octobre 2023. Après une phase d’apprentissage, les fournisseurs hors Union Européenne des secteurs très polluants (ciment, aluminium, engrais, etc…) seront taxés en fonction de l’intensité carbone de leurs exportations sur le marché européen. Ils devront acheter eux aussi des quotas d’émissions sur le marché européen. Parallèlement, de nouveaux secteurs vont intégrer ce marché carbone européen, les droits à polluer gratuits distribués jusque-là aux fabricants européens vont être progressivement supprimés et les quotas d’émissions vont être réduits, avec une baisse de 63% programmée en 2030. Le prix de la tonne de carbone pourrait atteindre 250 euros en 2030.
- le renforcement des obligations de reporting. La nouvelle directive européenne sur le reporting extra-financier, la CSRD, entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Elle impose un reporting plus complet et transparent sur les impacts environnementaux et sociaux des entreprises. Sur le changement climatique notamment, les entreprises devront réaliser un bilan carbone complet (scopes 1, 2 et 3) ainsi que présenter leur plan de réduction des émissions et d’adaptation. Toutes les entreprises de plus de 250 salariés devraient être concernées, soit près de 50 000 entreprises en Europe.
- En France, un bilan d’émissions de gaz à effet de serre (BEGES) est obligatoire tous les 4 ans pour les entreprises de plus de 500 salariés.
- La réglementation sur les produits et les services vendus par les entreprises. La loi Climat et résilience de 2021 prévoit par exemple un affichage environnemental sur certains produits. Une phase d’expérimentation commencera début 2024 et concernera le textile et l’alimentation.
- La réglementation dans certains secteurs économiques qui se durcit. Là encore, on peut citer l’interdiction de la vente des voitures thermiques neuves à partir de 2035 ou le décret tertiaire dans le bâtiment.
- Par ailleurs, un nombre croissant d’entreprises demandent à leurs fournisseurs de produire a minima le bilan carbone de leur activité. L’empreinte carbone devient un critère dans de plus en plus d’appels d’offres, publics ou privés.
b. Les risques de marché
Ils désignent les risques financiers liés à l’exposition de l’entreprise et les conséquences de la transition sur les différents acteurs présents sur le marché des entreprises.
On vient de le voir, le prix du carbone va inexorablement augmenter dans les prochaines années et décennies, ce qui va renchérir le coût des matières premières et des activités les plus carbonées.
“Avec des prix sur le carbone croissants, l’exposition des entreprises au risque financier du carbone augmente. Et si sa chaîne de valeur est carbonée, elle risque de payer beaucoup plus cher ses matières premières ou d’être moins compétitive en aval parce que ces taxes carbone vont grever les marges.”
Guillaume Colin
Autre risque, celui lié aux parties prenantes. Les consommateurs en effet sont de plus en plus attentifs à leurs habitudes de consommation et à l’empreinte environnementale des produits qu’ils achètent. Dans cette étude sur la consommation responsable publiée en 2021 par l’ObSoCo, l’Observatoire Société et Consommation, 61% des Français jugeaient la situation environnementale très préoccupante, au point d’appeler à des changements radicaux afin de produire et consommer moins mais mieux.
c. Les risques technologiques
Avec la transition bas carbone qui s’accélère, de nombreuses innovations voient le jour et viennent peu à peu se substituer à des produits ou à des services plus émissifs. Ce qui évidemment fait peser pour une entreprise le risque de prendre du retard et de perdre des parts de marché. Ce risque technologique est aussi un risque financier, d’investissement dans la recherche et le développement de technologies moins émissives. Des investissements coûteux et parfois infructueux.
d. Les risques de marque employeur
Selon cette étude publiée par l’Unedic en avril dernier, 84% des actifs français veulent en effet un travail en adéquation avec le défi climatique et ¼ des actifs envisagent de changer de métier ou d’entreprise pour mettre leur vie professionnelle en adéquation avec leurs préoccupations écologiques. De plus en plus de diplômés de grandes écoles refusent ainsi de travailler pour des entreprises dont l’action est jugée néfastes pour le climat. On l’a vu récemment à HEC ou à AgroparisTech.
3. Les risques de responsabilité
C’est ce qui correspond aux impacts financiers liés à d'éventuelles poursuites en justice pour une entreprise accusée d’avoir participé au changement climatique ou de ne pas avoir mis en place de stratégie réaliste de baisse des émissions.
Ces actions en justice contre les entreprises se multiplient. D'après l'Institut Grantham de recherche sur le changement climatique et l'environnement, 26 recours en justice contre des entreprises ont été dénombrés en 2022, 27 en 2021, contre seulement 9 en 2020 et 6 en 2019. Trois ONG ont par exemple assigné en justice BNP Paribas en février 2023, dénonçant le soutien du groupe bancaire français aux énergies fossiles. En septembre 2023, 4 associations ont elles porté plainte au pénal contre le groupe pétrolier TotalEnergies pour “abstention de combattre un sinistre” et “homicide involontaire”.
Des actions en justice qui représentent un véritable risque financier pour les entreprises qui sont visées. C’est ce qu’a prouvé le Grantham Institute de la London School of Economics dans une étude publiée en 2023. Le dépôt d’une plainte entraîne en moyenne une réduction de 0,57% de la valeur de l’entreprise visée. Et un jugement défavorable une baisse moyenne de 1,5% du cours d’action.
Comment agir pour les entreprises ?
1. Identifier les risques climatiques qui pèsent sur son entreprise
On vient de le voir : les impacts du changement climatique peuvent avoir des conséquences très diverses et à tous les niveaux de la chaîne de valeur de l’entreprise.
Autre élément : les risques climatiques en France ne sont évidemment pas les seuls à prendre en compte. Un événement climatique à l’autre bout du monde peut aussi avoir un impact sur la chaîne de valeur de n’importe quelle entreprise française. Deux exemples :
- Les inondations en Thaïlande en 2011 ont mis à l’arrêt de nombreuses usines de constructeurs automobiles internationaux, la fabrication de disques durs ou de puces électroniques a été interrompue.
- En 2021, Taïwan connaît sa pire sécheresse depuis 56 ans, conduisant le gouvernement à restreindre l’accès à l’eau pour de nombreux industriels dont TSMC, le plus gros fabricant de semi-conducteurs mondial. Il a dû baisser sa consommation d’eau de 10%.
Mener une analyse des impacts du changement climatique, c’est permettre d’identifier précisément les risques auxquels l’entreprise peut être exposée, quels sont les risques majeurs qui pèsent sur elles, à quels niveaux de la chaîne de valeur pour ainsi élaborer ensuite un plan avec des pistes d’actions pour réduire ces risques, adapter l’activité ou le modèle de l’entreprise mais aussi identifier et saisir les opportunités issues de cette analyse.
Plusieurs méthodes ont été développées pour identifier les impacts du changement climatique sur l’activité des entreprises. L’ADEME, dans ce rapport, liste ainsi trois grandes méthodes :
- L’évaluation des risques
- L’évaluation des vulnérabilités
- L’analyse des seuils
Nous détaillerons ici la méthode d’évaluation des vulnérabilités, créée par le GIEC pour cerner les risques du changement climatique sur les secteurs économiques.
Pour déterminer le risque, elle repose sur le calcul d’une :
- Exposition : à quel aléa climatique est exposée l’entreprise au regard de la localisation de ma chaîne de valeur ?
- Vulnérabilité : dans quelle mesure mon activité est sensible aux aléas auxquels l’entreprise est exposée ?
Voici un exemple d’une analyse de risques par évaluation des vulnérabilités :
Et un exemple d’impacts du changement climatique sur la chaîne de valeur d’une entreprise, ici Kering :
De nombreux outils et méthodes, y compris sectoriels, sont à disposition des entreprises pour les aider à réaliser cette analyse des risques climatiques. L’Ademe en liste une partie dans le rapport précédemment cité. Les équipes de la branche Conseil de Sami sont également en mesure de vous fournir une telle analyse.
En ce qui concerne les risques de transition, c’est-à-dire les risques financiers liés à la transition vers une économie bas-carbone, la meilleure analyse de risques, c’est le bilan carbone.
“L’exposition à ce risque, c’est à quel point l’entreprise est carbonée, à quel point le produit ou le service vendu est dans un marché carboné. Le risque est lié à la dépendance au carbone. Plus l’entreprise est dépendante, plus elle va être exposée à de la réglementation, par exemple à des taxes carbone. Et pour calculer cette dépendance, le bilan carbone est un outil précieux. C’est une manière de mesurer ces risques et de les limiter.”
Guillaume Colin
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Une fois le diagnostic de vulnérabilité posé, l’entreprise peut passer à l’étape suivante.
2. Engager un plan d’atténuation et d’adaptation
Deux priorités pour l’entreprise face au changement climatique :
- l’atténuation : limiter les émissions de gaz à effet de serre
- l’adaptation : s’adapter face aux impacts du changement climatique afin de réduire les risques et les coûts
Pour une entreprise, s’engager dans une stratégie de baisse des émissions de gaz à effet de serre est essentielle. En limitant ses émissions, elle réduit sa dépendance au carbone et donc limite les risques de transition vers une économie bas carbone, tout comme les risques de responsabilité. Et puis, réduire ses émissions, c’est aussi faire sa part dans la lutte globale contre le réchauffement climatique. La meilleure méthode afin de limiter les impacts du dérèglement climatique, c’est bien de réduire au plus vite les émissions. Chaque tonne de CO2 évitée compte.
Mais ça ne suffira pas. Quels que soient les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre dans les prochaines années, l’inertie du changement climatique fait que les impacts de ce dernier vont augmenter au moins dans les prochaines années et les prochaines décennies. Ce qui fait de l’adaptation un enjeu majeur dans les stratégies d’entreprises.
Une fois le diagnostic posé, l’enjeu pour les entreprises, c’est de bâtir un plan d’action en fonction des principaux risques identifiés. L’éventail des mesures à prendre est très large et dépend évidemment de chaque entreprise, de sa taille, de son secteur, de sa localisation et donc des risques qui auront été identifiés. Mais voici quelques actions possibles :
- identification de nouveaux fournisseurs pour pallier un défaut d’approvisionnement
- nouvelles matières premières en cas de risques majeurs sur la production de certaines de ces matières (agricoles notamment)
- identification de routes logistiques alternatives
- adaptation des bâtiments aux risques climatiques physiques : ajustements face aux inondations, isolation face aux vagues de chaleur
- déplacement/relocalisation de certains bâtiments en fonction de leur situation géographique et des risques associés (submersion marine pour ceux situés sur le littoral par exemple)
- adapter son activité en temps de crise : horaires décalés, télétravail…
- modifier le cœur de l’activité de l’entreprise
Plusieurs méthodes existent pour déterminer un plan d’adaptation et le mettre en place : la planification par scénarios, la prise de décision robuste ou encore la planification par trajectoires. Vous trouverez le détail de ces différentes méthodologies avec des cas concrets d’entreprises pionnières dans leur planification de l’adaptation dans ce rapport de l’Ademe : Entreprises, comment prendre des décisions pour s'adapter au changement climatique ?
L’Ademe a par ailleurs publié deux autres rapports sur les risques climatiques qui pèsent sur les entreprises, leur identification et l’adaptation :
- Diagnostic des impacts du changement climatique sur une entreprise
- Capacité d’adaptation au changement climatique des entreprises
Autres sources :
- ONERC, Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique
- Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique
- Institute for Climate Economics
- Le travail à l’épreuve du changement climatique, France Stratégie
- Climate change 2021 : The physical science basis, GIEC
- Dépasser les constats, mettre en oeuvre les solutions, Haut Conseil pour le Climat, 2022
- Les risques climatiques pour les TPE/PME, Goodwill Management
- Drias, les futurs du climat
- Météo France
- Grantham Institute
- Task force on Climate-related Financial Disclosures, TCFD
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