Picture avait déjà mesuré son empreinte carbone en 2012 puis en 2020. Pourquoi avoir relancé un bilan carbone en 2022 ?
Notre enjeu principal, c’était de repartir sur une “base propre” et avec une méthodologie unique. Quand je parle de “base propre”, c’est que nous savions en 2022 que nous avions désormais beaucoup plus de facilité pour aller collecter les bonnes données d’activités, beaucoup plus qu’en 2012 et même 2020. Donc nous avions la volonté de remettre à plat le bilan carbone et de repartir sur une mesure de notre empreinte carbone avec des jeux de données beaucoup plus précis. Et ensuite de rester avec Sami les prochaines années pour continuer sur la même méthodologie et avoir ainsi un suivi carré de notre empreinte carbone. Si on passe d’une méthode à une autre sans cesse, c’est le bazar.
Et nous avions un angle stratégique puisque nous avions besoin d’un bilan carbone récent et d’ACV récentes pour notre recertification BCorp.
Cela veut dire que vous comptez faire un bilan carbone tous les ans ?
Non pas tous les ans mais tous les deux ou trois ans. Et en parallèle, nous avons l’abonnement pour la plateforme Sami, ce qui nous permet de suivre les indicateurs, la trajectoire de décarbonation, ajuster notre plan d’action, etc…
Pourquoi avoir choisi Sami pour vous accompagner ?
J’aime bien travailler avec des partenaires qui prennent la parole sur des sujets un peu plus globaux sur la transition écologique, la décarbonation des entreprises et qui vulgarisent les sujets. Donc je connaissais Sami via vos prises de paroles sur Linkedin, je lisais vos articles sur le blog et je connaissais également le travail de Guillaume Colin (Head of Expertise de Sami). Et évidemment, l’offre que vous m’avez proposée, y compris tarifaire, était solide !
Qu’est-ce que vous retenez de l’accompagnement de Sami ?
L’équipe Sami est présente, nous avons eu des discussions très intéressantes et le bilan carbone a pu se faire assez vite parce que nous avons réussi à collecter rapidement des données précises auprès de fournisseurs que nous connaissons bien. Donc oui, très satisfait !
Quels résultats vous tirez de votre nouveau bilan carbone ?
Il n’y a eu aucune surprise quant aux résultats puisque la structure de nos émissions correspond à celle de toutes les entreprises du secteur textile : la grande majorité des émissions viennent des différentes étapes de production des matières premières et de fabrication. J’avais déjà les ordres de grandeur. Mais il était important de pouvoir disposer de chiffres précis derrière. Ce n’est pas pareil d’être dans une jeune entreprise avec quelques employés et d’être dans une entreprise avec 100 personnes. Il était devenu essentiel de pouvoir aller dans les services avec plus seulement des ordres de grandeur mais des chiffres précis, des leviers pour réduire les émissions, des trajectoires de baisse, etc… Cela permet d’apporter de la rigueur dans la méthode.
Vous parlez de leviers de décarbonation. Vous êtes, depuis la création de Picture en 2008, déjà très engagés sur ces sujets. Sur quels leviers vous travaillez maintenant ?
Vu la structure de nos émissions, pour une marque comme nous, il y a deux options. La première, c’est de relocaliser notre production, pas forcément en France mais en tout cas vers un pays avec un mix énergétique bas carbone. La deuxième option, c’est d'accélérer la décarbonation des fournisseurs avec qui nous travaillons. C’est cette deuxième option que nous avons choisie.
Nous le faisons en collaboration avec d’autres grandes marques du secteur textile dans le cadre de l’European Outdoor Group. Nous identifions les fournisseurs que nous avons en commun, notamment sur la filature, le tissage et la teinture, et nous leur proposons de cofinancer à hauteur de ce que chaque marque représente dans le volume d’affaires du fournisseur un audit énergétique. C’est cet audit qui va nous dire : il vaut mieux isoler, remplacer la chaudière fioul par un process électrifié ou encore installer des panneaux solaires sur le toit. Et la dernière étape c’est de cofinancer les actions de décarbonation préconisées dans l’audit. Nous sommes en train de faire tout ce travail.
Et sur les autres sujets, sur les matières premières par exemple ?
Ces sujets ont été pris en compte dès la création de Picture. Depuis le début nous travaillons sur les matières avec un minimum de 50% de matières recyclées, biologiques, biosourcées et maintenant de plus en plus circulaires avec des vêtements usagés qu’on recycle. C’est du basique pour nous. Par défaut, il faut s’attaquer maintenant à des leviers plus ambitieux : la décarbonation de la chaîne de production et l'évolution des modèles d'affaires.
Vous parlez du modèle d’affaires, comment le faire évoluer ?
C’est la clé. Et nous travaillons dessus depuis longtemps là aussi. Nous proposons la réparation à vie pour nos produits, nous avons un service de location depuis 2021-2022 et nous proposerons un service de seconde main dans un an maximum. L’enjeu, c’est d’aller plus loin. Dans notre feuille de route de la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat) pour 2030, et ce sera fait avant, il est prévu de réduire le nombre de références de 25% pour nos deux collections annuelles, d’augmenter de 30% les produits reconduits d’une année sur l’autre et d’arriver à 100% de produits soumis à une charte de réparabilité. Tous nos produits sont déjà réparables à vie mais ça ne dit pas si ils sont faciles à réparer. L’objectif de la charte, c’est de designer et développer les vêtements avec la réparation à l’esprit pour qu’elle soit simple.
Toujours sur la durabilité physique, nous sommes en train de remettre à plat le process qualité. Sur la durabilité extrinsèque, 2 collections par an et jamais de black friday sur notre site internet. Enfin, dernier sujet, c’est l’adaptation de l’activité de l’entreprise aux effets du changement climatique. Nous voulons faire basculer la saisonnalité de notre chiffre d'affaires. Aujourd’hui, 65% de notre CA est dépendant de produits eux-mêmes dépendants de la neige. Et donc l’idée d’ici 2030, c’est de faire l’inverse donc 65% de notre CA non dépendant de la neige.
Vous vous êtes fixés des objectifs chiffrés de décarbonation ?
Nous n’avons pas d’objectifs chiffrés pour l’instant. En fait, je n’aurais pas de mal à voir des émissions qui augmentent ou stagnent si derrière le modèle d’affaires est parfaitement clean, qu’il est tiré par une demande sobre et que notre chaîne de production est la plus décarbonée possible. Si nous restons sur 2 collections par an, sans black friday, avec de la réparation à vie, de la location, de la seconde main, si nous répondons à un besoin sobre de s'habiller, de s'équiper et que cela engendre une croissance organique, cela ne me choquerait pas…
Mais il faut se poser les bonnes questions, notamment sur le modèle d’affaires. Si les entreprises veulent réellement se décarboner, cela va être compliqué de garder exactement la même activité donc quels sont les renoncements qu’il faut acter ? Quel besoin de produire cette pièce ? Quelle utilité ? Si la réponse n’est pas évidente, cela veut peut être dire qu’il faut s’en séparer dans sa collection.
En plus du bilan carbone, Sami vous a accompagné dans le même temps sur des ACV ?
Oui sur quasiment toute notre collection donc entre 600 et 700 produits !
Quel était votre objectif ?
Le sujet de l’affichage environnemental, dont on parle depuis très longtemps, est en train de se préciser et son déploiement est prévu dans les prochains mois. Donc nous voulions commencer à monter en compétence sur le sujet. Pour aller au-delà du carbone, c’était le moment de le faire.
Notre travail sur les ACV s’est fait presque en parallèle du bilan carbone, c’était votre demande ?
Oui cela a été fait de manière conjointe et c’est important parce que la collecte de données, elle est unique. Autant tout faire en même temps. Sinon il faut retourner voir les fournisseurs, les fournisseurs des fournisseurs pour de nouvelles données, ça devient compliqué.
Est-ce que les résultats sur les ACV vous ont permis d’aiguiller certaines décisions ?
Oui, par exemple pour les matières recyclées, les ACV nous confortent dans l’idée que c’est très bien dans l’efficacité, dans l’utilisation des ressources. Tout ce qui concerne le biologique est plus dur à analyser mais sur d’autres indicateurs que le carbone, le bio a toute sa place. Et d’ailleurs dans la communication, nous avons revu nos positions puisque nous avions tendance à mettre le bio dans le même panier que le bas carbone alors que c’est assez différent.
Les résultats des ACV te questionnent et donc te permettent de creuser le sujet. Mais il faut les inscrire dans une analyse globale.