Si travailler plus, c’est polluer plus… Peut-être que travailler autrement, c’est ralentir le réchauffement. Quels sont les liens entre vie professionnelle et bilan carbone de l’entreprise ? Quels nouveaux modes de travail permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les impacts néfastes sur l’environnement ? Télétravail, semaine de 4 jours, flex office : décryptage de ces solutions, carrefour entre justice sociale et climatique.
1. Habitudes professionnelles et transition écologique : même combat ?
Dans une société qui prône le travail vers la réussite sociale, une nouvelle voix émerge. « Travailler plus, c’est polluer plus ». Citoyens et citoyennes demandent d’autres modes de travail, d’autres rythmes. Pour le confort individuel, la justice sociale, mais aussi pour enrayer le réchauffement climatique.
Est-ce fondé ? Concrètement, quels sont les liens entre nos modes de travail et les impacts environnementaux ?
Voilà 5 arguments qui prouvent que, oui, travailler plus, c’est néfaste pour le climat.
1.1. Travailler plus, c’est produire plus
Dans notre société occidentale, travailler plus rime souvent avec produire plus… Plus de biens et services, souvent peu indispensables, souvent très néfastes pour le climat. Le tout, dans un monde déjà englouti par la surproduction.
Travailler plus, c’est inciter à consommer plus. C’est soutenir le mythe de la croissance infinie, dans un monde fini.
Travailler plus, trop souvent, c’est extraire davantage de matières premières, c’est consommer davantage d’énergie fossile pour les transformer, c’est inciter toujours plus à la consommation pour écouler les stocks, et c’est accumuler ces achats inutiles dans les décharges et poubelles.
💡 Bien sûr, tout dépend dans quelle entreprise on travaille, et pour quelle finalité ! D’où la recherche de nouveaux modes de travail… Qu’on explore dans la suite de l’article !
Bref, les études sont claires : le temps de travail est étroitement lié à la croissance économique… Qui, elle-même, entraine l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et autres impacts environnementaux.
1.2. Moins de temps libre = moins d’engagement associatif
Le tissu associatif (en France, indispensable à de nombreuses causes environnementales) repose sur des personnes qui ont le temps. Étudiant.e.s, retraité.e.s, mi-temps, etc.
Si on travaille plus, ou plus longtemps, on a encore moins de chances de mobiliser des personnes pour s'engager dans des causes environnementales. Travailler plus, c’est ne plus avoir le temps de chiner, marcher, prendre le vélo ou s’impliquer dans des associations.
La solution n'est donc pas de travailler plus, mais autrement. Revoir nos modes de travail crée du temps libre. Ce dernier favorise la sobriété et l’engagement bénévole.
1.3. Le temps de travail impacte nos choix personnels
À la maison, le nombre d’heures de travail impacte le bilan carbone personnel.
Les membres des classes socioprofessionnelles aisées ont moins de temps, et plus d’argent. Ainsi, les cadres auront tendance à choisir des modes de consommation plus rapides, bien que plus chers… Et plus polluants. Voiture, avion, repas préparés, achat neuf, etc.
Oui, car prendre le vélo, chiner d’occasion ou cuisiner des légumes locaux : ça prend plus de temps. Ainsi, chez les CSP+, l’augmentation des heures de travail se répercute immédiatement sur le bilan carbone du foyer.
💡 Une réduction moyenne de 10 % des heures de travail d’un ménage permettrait de réduire de 8,6 % son empreinte carbone. (Etude de 2012)
1.4. Les locaux d’entreprises ont une lourde empreinte carbone
Travailler plus peut aussi impacter les rejets carbone des organisations elles-mêmes. En effet, cela génère des émissions supplémentaires, à commencer par une utilisation prolongée des locaux par les salariés. Les émissions liées aux locaux des entreprises représentent déjà une part importante de leur empreinte climatique :
- En France, la consommation énergétique finale des locaux d’entreprise s’élève à 146 kWh/m² par an (Observatoire de l’Immobilier Durable, 2022). En émissions de GES ? Cela reviendrait à 12 kgCO2/m².an.
- Sur l’ensemble du cycle de vie (construction, maintenance, exploitation, entretien, etc.), les bureaux professionnels émettraient 78 kg CO2eq/m² par an.
- Les bureaux d’entreprise, c’est aussi du mobilier. En particulier, le matériel informatique pèse lourd dans le bilan carbone des locaux.
Or, on compte en moyenne 15 m² par collaborateur.rice - et, trop souvent encore, un poste informatique par personne, avec 1, 2 voire 3 écrans.
💡 Heureusement, certains modes de travail permettent de réduire le bilan carbone des bureaux d’entreprise - comme on vous le partage en 2e partie.
1.5. Le trajet vers le bureau est un poste d’émissions à améliorer
Enfin, le transport des salariés occupe une part importante du bilan carbone de la plupart des entreprises.
D’après une étude de l’INSEE (2017), 74 % des trajets domicile-travail seraient effectués en voiture. La plupart, avec un seul passager (auto-solisme).
Carbone 4 calcule ainsi que près de 20 Mt CO2eq chaque année sont dues aux trajets domicile-travail - soit 15 % des émissions liées au travail en France (hors aérien et maritime international).
Or, prendre la voiture pour aller au travail, c’est une stratégie pour gagner du temps sur le trajet… Et travailler plus longtemps au bureau ! Tout en gardant un certain équilibre de vie.
💡 Parmi les trajets domicile-travail en voiture, 1 sur 7 est inférieur à 2 km.. Soit 5 à vélo !
2. Quels nouveaux modes de travail permettent de réduire le bilan carbone d’entreprise ?
Le constat est sans appel : travailler plus, c’est polluer plus. Heureusement, il existe une porte de sortie : travailler moins... Mais pas seulement. Pour réduire l’empreinte carbone nationale, on peut aussi… Travailler autrement.
Voilà 4 nouveaux modes de travail, bénéfiques pour l’environnement.
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2.1. Réorienter l’économie : travailler mieux et produire mieux
Travailler plus signifie donc produire plus et émettre davantage d'émissions… Donc, accélérer le réchauffement climatique.
Alors, existe-t-il un autre chemin ? Celui de travailler mieux, pour produire mieux.
Autrement dit : il est temps de réorienter nos métiers vers une production utile :
- Éliminer les produits et services superflus, néfastes pour l’environnement. Fast fashion, consommables à usages uniques, etc.
- Stopper les progrès technologiques superflus. On peut croire qu’en améliorant l’efficacité énergétique des services, on résoudra le réchauffement climatique. Malheureusement, c’est sans compter sur l’effet rebond. Si un service coûte moins cher, consomme moins d’énergie, est plus rapide… Alors, on va l’utiliser davantage. Et, au global, émettre davantage de gaz à effet de serre. On peut citer l’exemple de la 5G. Ainsi, la priorité reste la sobriété, comme le démontrent des scénarios comme ceux de Negawatt, l’ADEME ou le GIEC.
- Travailler, oui, mais pour l’indispensable. Satisfaire nos besoins vitaux, régénérer le tissu social et les écosystèmes naturels, enrayer drastiquement le réchauffement climatique, construire les solutions d’un monde neutre en carbone.
À l’échelle de l’entreprise, il s’agit de questionner le business model (proposer la location de matériels, plutôt que la vente ?) et mettre en avant les produits et services permettant d’éviter un maximum d’émissions GES.
2.2. Réduire le temps de travail, avec la semaine de 4 jours
Si travailler plus, c’est polluer plus… Travailler moins, c’est aussi polluer moins ! Au croisement des luttes sociales et climatiques, la semaine de 4 jours devient de plus en plus populaire.
- Réduction de l’empreinte carbone des déplacements domicile-travail - équivalent à une journée de télétravail hebdomadaire. Une étude au Royaume-Uni montre que la semaine de 4 jours, instaurée à l’échelle nationale, réduirait de 558 millions de kilomètres la distance parcourue chaque semaine.
- Réduction de la consommation énergétique des entreprises : on retire toute une journée de chauffage, ascenseur, matériel informatique, éclairage, etc.
- Diminution indirecte de l'empreinte carbone nationale : grâce à une meilleure santé ou l’adoption d'habitudes décarbonées par exemple.
La généralisation de la semaine de 4 jours au Royaume-Uni pourrait réduire l’empreinte carbone du pays de 21,3 % ! Soit 127 millions de tCOeq par an… Ou l’équivalent de l’ensemble des voitures individuelles du pays.
Au-delà du bilan carbone, les bénéfices de la semaine de 4 jours sont multiples.
- Pour les salarié.e.s, c’est la promesse d’un meilleur équilibre de vie, davantage de bien-être au travail, plus de temps en famille, des économies financières (cuisine maison et réduction des dépenses de baby-sitting par exemple), etc. C’est aussi la possibilité de faire des choix quotidiens plus cohérents face aux enjeux climatiques.
- Pour les employeurs : davantage de productivité, des coûts réduits (entretien des locaux et énergie par exemple), une meilleure rétention des talents, moins d’absentéisme et congés maladie, etc.
- La semaine de 4 jours permet aussi de mieux partager le temps de travail, donc réduire le chômage ou l’épuisement professionnel. Ce qui rapproche les solutions écologiques et sociales.
Travailler sur 4 jours ne diminuerait pas la rentabilité des entreprises, bien au contraire. De nouvelles habitudes de travail émergeraient, bien plus productives au taux horaire. On fait l’impasse sur les tâches inutiles ou les réunions interminables, et améliorant les processus de collaboration et communication interne.
Ainsi, les exemples d’entreprises expérimentant la semaine de 4 jours se multiplient - à l’image de Welcome to the Jungle, en France.
Tous ces bénéfices sont à portée de main… Sous certaines conditions. Une fois de plus, on risque le retour de bâton des effets rebonds. Il ne faudrait pas que ce week-end de 3 jours devienne une opportunité de prendre l’avion sur un coup de tête, ou de consommer davantage de produits à fort impact carbone ! Ce risque est présent chez les foyers aisés.
Ainsi, la démocratisation de la semaine de 4 jours doit s’accompagner d’une évolution des normes sociales, des critères sociaux de réussite, des modes et habitudes de consommation. Cela peut-être soutenu par l’apparition d’un cadre politique, tarifaire, publicitaire, mais aussi social, valorisant davantage des temps sociaux ou l'engagement associatif que la surconsommation.
En attendant cette transformation sociétale, la plateforme Vendredi propose une solution : profiter de cette journée libre pour diriger les équipes vers l’engagement associatif.
2.3. Démocratiser le télétravail partiel
Bien connu, le télétravail est une opportunité pour diminuer l’empreinte climatique de l’entreprise. Ceci, principalement grâce à la réduction des déplacements domicile-travail. Dans ce cas, le bénéfice environnemental est immédiat : on évite de prendre la voiture, donc d’émettre des GES et particules fines sur le trajet. L’ADEME conclut alors que chaque journée de télétravail hebdomadaire réduirait les émissions de 271 kg CO2e par an.
Cette réduction est à moduler en fonction des effets rebonds. Il s’agit des changements d’habitudes pouvant générer de nouveaux impacts climatiques. En l’occurrence…
- Des déplacements, habituellement réalisés sur le trajet domicile-travail, qui doivent être maintenus. Amener les enfants à l’école, faire les courses, etc.
- Une augmentation des consommations énergétiques des foyers. Chauffage en journée, équipements numériques, etc.
- De nouvelles habitudes et déplacements qui émergent - aller dans une salle de sport par exemple.
- Une augmentation de l’empreinte carbone numérique, en particulier liée aux visio-conférences.
- À plus long terme : l’achat d’équipements numériques individuels, l’ajout d’une nouvelle pièce au domicile, ou le déménagement dans un lieu plus excentré.
La sensibilisation des équipes et la culture d’entreprise permettent de limiter ces effets rebonds.
💡 À lire aussi : Comment sensibiliser à l’environnement dans l’entreprise ?
Associé à une stratégie réfléchie, le télétravail permet également de réduire les consommations énergétiques (ne pas chauffer ou éclairer les bureaux des personnes absentes). L’entreprise peut même aller plus loin, en repensant complètement ses locaux…
2.4. Des bureaux repensés, et plus durables
De nouveaux modes de travail, ce sont aussi de nouveaux bureaux. Les locaux d’entreprise doivent s’adapter aux nouveaux usages, ainsi qu’aux enjeux climatiques actuels.
La solution en vogue : le flex office. Il s’agit de repenser les locaux, avec des postes de travail non attitrés, et moins de bureaux que de collaborateur.rices. On évite ainsi les bureaux vacants les jours de télétravail, déplacements professionnels, congés, etc. Bureaux qui, bien que vides, entraînent des factures (énergétiques et d'entretien en particulier) bien réelles !
Le flex office permet de diminuer nettement l’empreinte carbone de l’entreprise, lorsque cette réorganisation est associée à une réduction de l'empreinte immobilière. En chiffres ? L’ADEME estime que le flex office pourrait augmenter de 52 % les bénéfices climatiques du télétravail.
D’autres solutions existent pour des bureaux plus durables. Par exemple, la végétalisation des espaces extérieurs. Les bénéfices sont multiples : bien-être au travail, augmentation de la productivité, sensibilisation des équipes aux enjeux environnementaux, meilleure attractivité et rétention des talents… Mais aussi, captation de carbone de l’atmosphère. Recouvrir une terrasse ou un toit de végétaux, poussant sur un sol fertile et riche en matière organique, c’est créer un petit puits de carbone en entreprise. À l’échelle du globe, l’ADEME partage que 1 500 à 2 400 milliards de tonnes de carbone sont stockées dans la matière organique. Alors, enrichir chaque mètre carré de sol nu, ou végétaliser nos terrasses et parkings, c’est une réponse face au changement climatique.
💡 Pour verdir vos locaux : Top 5 actions pour un bureau plus durable en entreprise.
De la semaine de 4 jours au flex office, en passant par le télétravail ou la transformation des business model : de nouveaux modes de travail émergent. Plus respectueux du climat, mais aussi des citoyens et citoyennes. Alors, oserez-vous proposer ces alternatives durables à vos équipes ? Sami vous accompagne dans votre plan d’action pour réduire votre bilan carbone d’entreprise… Entre autres, en changeant nos manières de travailler.
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Sources
Sur les liens entre travail et pollution
- Retraites et planète, même combat ?, Aurélie Delmas pour Vert.eco, janvier 2023.
- Reducing Growth to Achieve Environmental Sustainability: The Role of Work Hours, Kyle Knight, Eugene A. Rosa and Juliet B. Schor, 2012.
Sur le travail à domicile et le flex office
- Caractérisation des effets rebond induits par le télétravail, ADEME, 2020.
- Le télétravail, vraiment bon pour l’environnement ? Infographie, ADEME, septembre 2020.
- Baromètre de la performance environnementale et énergétique des bâtiments, Observatoire de l’Immobilier Durable, janvier 2023.
- Enquête nationale transports et déplacements | Données et études statistiques, ENTD, 2008.
- Trajet domicile-travail : développer le co-voiturage et les mobilités douces, Carbone 4, juin 2019.
Sur la semaine de 4 jours :
- Stop the Clock - The environmental benefits of a shorter working week, 4 day week campaign, mai 2021.
- Le site 4 Day Week Campaign, consulté en mars 2023.
- Mise en place de la semaine de 4 jours en France, Fanny Bachelet pour EY, juillet 2022, consulté en mars 2023.
- Travailler moins sauvera-t-il la planète ? Oui, mais à certaines conditions, Anupam Nanda, décembre 2020.
Travaillez autrement, réduisez votre empreinte climatique !
Sami accompagne votre entreprise pour réduire ses émissions carbone - notamment, celle liées à vos modes de travail.
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